TRANSPLANTATION: LES ATOUTS DE L' EXPERIENCE

La transplantation cardiaque (TC) fait l'objet dans la plupart des pays, dont la France, d'une réglementation très précise visant à restreindre le nombre de centres transplanteurs. Ceci est dû à la nécessité de "rentabiliser" au mieux un pool de donneurs limité en nombre, et repose sur la conviction que l'expérience acquise d'une équipe de transplantation est le meilleur garant d'un bon résultat. Aux Etats-Unis, un système d'assurance sociale (Medicare) n'accepte de rembourser le coût d'une TC que si le centre a déjà effectué 36 transplantations. Afin de déterminer si cette politique restrictive est justifiée (le risque étant de limiter l'accès à la TC dans certaines régions mal desservies), une étude multicentrique américaine s'est intéressée à 1123 patients transplantés dans 56 centres aux Etats-Unis (sur 67 centres transplanteurs), entre 1984 et 1986.

Sur l'ensemble des centres étudiés, la mortalité a diminué de 18% en 1984 à 13% en 1986, ceci malgré le nombre croissant de TC réalisées et de centres habilités. Dans les 40 centres ayant débuté leur programme de transplantation durant cette période, le taux de mortalité parmi les 5 premiers receveurs était significativement supérieur à celui des receveurs suivants : 20% contre 12%. Il existe donc une courbe d'apprentissage, inévitable quelles que soient les caractéristiques du centre : programme de transplantation rénale préexistant, centre universitaire, nombre total d'admissions, nombre total d'interventions à cœur ouvert.

Le suivi plus que la technique

Seuls deux facteurs semblent pouvoir influencer cette courbe : la fréquence à laquelle ont lieu les premières TC, et l'expérience acquise chez les patients à faible risque qui semble profiter aux receveurs suivants à haut risque de mortalité. Ceci tend à prouver que c'est la maîtrise des techniques courantes de management d'un transplanté cardiaque qui sera utile aux patients à haut risque, plus que l'utilisation de techniques particulières et sophistiquées. En revanche, aucune corrélation n'a pu être mise en évidence entre le nombre total de TC effectuées par centre et la mortalité.

Le facteur le plus important semble être la formation préalable des cardiologues responsables du programme de suivi des TC. Ce facteur est fortement corrélé à la mortalité et ce quelle que soit la sélection des patients. Toutefois, il n'a pas été possible de relier à une cause précise de mortalité l'effet de cette formation. Il est également intéressant de souligner que la qualité de cette formation ne permet pas d'éliminer la courbe d'apprentissage. Les mêmes constatations sont valables pour les coordinateurs (infirmières ou médecins), mais pas pour les chirurgiens, dont le niveau d'expérience en matière de TC n'influence pas les résultats !! Ceci vraisemblablement parce que le devenir d'un transplanté cardiaque dépend avant tout du management des deux risques majeurs que sont le rejet et l'infection, tâche dévolue aux médecins et non aux chirurgiens. Une analyse statistique plus poussée a permis de calculer le risque relatif de mortalité lié à certaines caractéristiques du receveur et du centre transplanteur. Ces facteurs de risques sont : receveur de sexe féminin, risque relatif 1,6 ; cardiomyopathie d'origine ischémique, RR 1,6 ; maladie extracardiaque associée, RR 2,1 ; pas de trithérapie, RR 2 ; temps d'ischémie du greffon supérieur à 150 minutes, RR 1,2 ; absence d'expérience préalable de la TC pour le coordinateur, RR 2, et le cardiologue, RR 2,7.

Ainsi, l'expérience et une formation précise des cardiologues et aussi des coordinateurs en matière de TC, est primordiale pour le devenir et la survie des patients. La courbe d'apprentissage est néanmoins inévitable. Il est donc préférable de commencer un programme de TC en choisissant des receveurs à faible risque de mortalité, les autres étant alors transférés dans d'autres centres plus expérimentés. L'un des objectifs des responsables de la santé à l'échelon national devrait être de favoriser la formation des cardiologues à cette pathologie particulière afin d'optimiser au maximum les résultats.

 

Laffel G.L. et coll. : "The relation between experience and outcome in heart transplantation". N. Engl. J. Med., 1992 ; 327 : 1220-1225.

Lucile Houyel

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