Le myélome reste une affection redoutable avec une médiane de survie ne dépassant pas 3 ans. Les greffes de moelle sont de ce fait de plus en plus souvent tentées dans cette maladie, surtout chez les sujets jeunes.
Si les greffes autologues s'accompagnent d'un risque de rechute car elles peuvent contenir des cellules tumorales, les greffes allogéniques provenant d'un frère ou d'une sur HLA compatible ne présentent pas cet inconvénient.
Cette dernière approche a été choisie dans 26 centres européens entre 1983 et 1989 chez 90 patients atteints de myélome multiple.
Réponse à la greffe
Au total, 67 patients ont pu être évalués après la greffe. Parmi ceux-ci, 28 présentaient des signes de myélome et 39 étaient en rémission complète : 6 l'étaient avant la greffe mais 33 autres malades sont entrés en rémission complète après celle-ci.
La réponse à la greffe était hautement dépendante de la réponse antérieure au traitement. Ainsi, parmi les 33 patients greffés alors qu'ils recevaient un traitement de première intention (conventionnel ou non), 20 patients étaient en rémission complète après la greffe contre seulement 8 patients sur 26 greffés et recevant un traitement de 3e intention ou plus (p = 0,01).
L'état clinique immédiatement avant la greffe n'a pas influencé la réponse à celle-ci, excepté chez les sujets qui étaient déjà en rémission complète avant la greffe. Toutefois, seuls 8 malades sur 27 ayant une maladie évolutive sont entrés en rémission complète et 21 des 41 patients en rémission complète ou partielle avant la greffe étaient en rémission complète après celle-ci.
A l'inverse, le stade de la maladie au moment du diagnostic était un facteur prédictif important de rémission après greffe de moelle. En effet, 11 des 14 malades en stade I au moment du diagnostic étaient en rémission complète après transplantation, 5 des 15 sujets en stade II et 23 des 61 malades en stade III.
Durée de survie
Le médiane de survie a été de 26 mois et le taux actuariel de survie à long terme de 40 % à 76 mois. La durée de survie était identique quels que soient l'âge et le sexe. De même, le stade de la maladie au moment du diagnostic, l'existence d'une rémission complète avant la greffe, le nombre de traitements utilisés antérieurement, le délai entre le diagnostic et la greffe n'ont pas modifié la survie de façon significative. Par contre, l'évolution ultérieure s'est révélée être un facteur pronostique important. Ainsi la survie était significativement meilleure chez les patients en rémission complète après la greffe que chez les autres (p = 0,0001). De plus, les malades qui avaient une réaction de greffon contre l'hôte de stade I avaient une survie meilleure que pour les stades II, III ou IV (p = 0,004).
Au total, la durée médiane de survie sans rechute chez les 39 malades qui étaient en rémission complète après la greffe de moelle a été de 48 mois. Parmi ces derniers, 11 étaient toujours en rémission complète 24 à 68 mois après la greffe de moelle.
Conclusion
Les facteurs préthérapeutiques sont apparus prédictifs de la réponse à la greffe de moelle. En revanche, leur rapport avec la survie est beaucoup moins net. Des études effectuées auprès d'un plus grand nombre de malades pourront peut-être apporté quelques informations supplémentaires.
En revanche, c'est surtout l'évolution après la greffe qui paraît conditionner la survie. Il faut cependant ajouter que la médiane de survie était de 21 mois chez les malades qui n'étaient pas en rémission complète après la greffe et que certains de ces patients ont survécu avec des signes mineurs de myélome multiple pendant un temps relativement long. De plus, la réaction de greffon contre l'hôte apparaît comme un autre facteur pronostique de survie.
Finalement, la greffe de moelle allogénique semble avoir un effet chez les sujets jeunes et les patients de 40-55 ans et constituer une alternative raisonnable après échec ou absence de réponse à un traitement de premièree intention. Elle pourrait être proposée à un stade plus précoce en cas de facteurs de mauvais pronostic tels qu'un taux élevé de B2microglobuline, une IgD ou un stade III. Enfin l'adjonction, après la greffe, d'interféron pourrait améliorer les résultats mais ceci reste à établir.
Philippe Brissaud
Gahrton G. et coll. : "Allogenic bone marrow transplantation in multiple myeloma". N. Engl. J. Med., 1991 ; 325 : 1267-1273.
BRISAUD PHILPPE