Le lupus néonatal (LEN) est associé dans 95% des cas à la présence chez la mère d'un auto-anticorps anti-Ro (SSA). Les autres mères ont un anti-La (SSB), de signification proche. Provost, en 1987, a signalé pour la première fois 2 cas de LEN où la mère était Ro(-) et La(-) mais porteuse d'un anti-UlRNP (*). Dugan et coll. exposent 2 observations semblables.
La mère de la première fillette avait une connectivite mixte, des AAN à 1/2560 mouchetés, un anti-UlRNP sans anti-Ro ni anti-La ni anti-Sm.
Eruption résolutive en 6 mois
Dès l'âge de 3 semaines, l'enfant présente des anneaux érythémato-squameux du visage, puis du cuir chevelu et de la nuque. Ces plaques prennent leur extension maximum à l'âge de 4 mois et demi, avec atteinte d'un bras, d'une jambe et de l'hypogastre. Certains éléments du cuir chevelu sont discrètement atrophiques au centre, d'autres, télangiectasiques. L'histologie est compatible avec un LE. Les AAN sont à 1/160 mouchetés avec un anti-UlRNP, sans anti-Ro ni anti-La. Tout disparaît à l'âge de 6 mois.
Nuances pathogéniques
Le second enfant est un garçon noir dont la mère avait eu, 4 ans auparavant, un lupus discoïde du visage. Ses AAN étaient à 1/5120 mouchetés, et elle était UlRNP(+) Ro(-) La(-) Sm(-). A l'âge de 4 semaines, son fils fait une éruption papuleuse annulaire du visage, du cuir chevelu et de la nuque avec des AAN à 1/640, un anti-UlRNP, pas d'anti-Ro ni d'anti-La. Tout régresse à 6 mois. Aucun des 2 enfants n'a eu d'atteinte cardiaque.
Avec 4 observations au total, les particularités du lupus néonatal lié à l'anti-UlRNP commencent à se dégager. Chez les mères, l'éventail des connectivites observées paraît plus large : une connectivite mixte, un LE discoïde, 2 LE systémiques. Trois des 4 enfants atteints étaient des garçons, alors qu'il existe une large prédominance féminine dans le LEN associé à un anti-Ro. L'auto-anticorps transmis de la mère à l'enfant semble moins directement ou moins fortement pathogène que l'anti-Ro. En effet la maladie ne se reproduit pas toujours lors des grossesses ultérieures, même si la mère reste porteuse de l'anti-UlRNP. D'autre part aucun des 4 enfants n'a eu de bloc auriculoventriculaire. La série est courte, mais les études portant sur l'ensemble des BAV congénitaux, si elles trouvent plus de 90% de mères porteuses d'anti-Ro, ne montrent jamais d'anti-RNP. Enfin aucun des enfants n'a eu d'hépatite ni de cytopénie, contrairement à ce qui est parfois observé dans le LEN associé à un anti-Ro.
Moins lié à HLA DR3
Les porteuses d'anti-Ro sont très souvent HLA DR3 ou DR2. Ce sont surtout les mères DR3 qui ont des enfants atteints de LEN, DR2 étant associé au contraire à un risque atténué. Chez les enfants atteints de LEN avec anti-Ro, on n'a remarqué aucune association particulière avec un groupe HLA.
Les choses sont moins simples pour le LEN associé à l'anti-UlRNP. Deux des mères seulement exprimaient DR3. Il n'existe pas d'association indiscutable entre groupes tissulaires et anti-RNP.
Un lien avec DR4 a été signalé, qui semble très indirect. Plus récemment, on a émis l'hypothèse d'une liaison avec DQw5 et DQw8, qui sont en déséquilibre de liaison avec certains haplotypes DR4. Deux mères sur quatre exprimaient DR4. Toutes exprimaient soit DQwl (dont DQw5 est une fraction), soit DQw3 (dont DQw8 est une fraction). Le petit nombre des cas ne permet cependant pas d'affirmer une association significative. Trois enfants sur quatre ont été typés, sans résultat remarquable.
(*) Note : UlRNP désigne une protéine dont la séquence est connue et qui est la cible antigénique principale,et la plus significative, des anticorps anti-RNP.
Dugan E.M. et coll.:"U1RNP Antibody-positive neonatal lupus". Arch. Dermatol. 1992, 128 : 1490-1494.
Provost T.T. et coll. :"The neonatal lupus syndrome associated with U1RNP antibodies". N. Engl. J. Med. 1987, 316 : 1135-1138.
François Blanc