Le RU 486 est un antagoniste de la progestérone qui agit en particulier au niveau de l'endomètre. Largement prescrit en association avec les prostaglandines pour interrompre une grossesse, son utilisation comme contraceptif est encore du domaine de la recherche.
Les effets de ce produit diffèrent selon le moment du cycle auquel il a été administré.
Délivré en phase proliférative, il n'a pas d'effet sur l'endomètre mais inhibe le développement folliculaire, retarde le pic d'estrogène et de LH et allonge donc la durée du cycle.
Donné à la patiente au milieu et en fin de phase lutéale, il induit, malgré des taux de progestérone normaux, un saignement suivi souvent d'une seconde hémorragie au moment attendu des règles.
Prescrit immédiatement après l'ovulation, il n'entraîne pas de saignement ni de modification de la durée du cycle, du pic de LH, du taux de FSH ou des stéroïdes ovariens. Les changements portent alors sur la contractilité utérine, proche de celle constatée durant la phase lutéale tardive, mais surtout sur la maturation de l'endomètre qui est inhibée.
Une étude sur 21 femmes
Dans le but de savoir si ces effets sont suffisants pour prévenir les grossesses, 21 femmes ayant des cycles réguliers (26-30 jours) ont accepté de prendre en contraceptif (sans aucune autre contraception) durant 1 à 12 mois, 200 mg de mifépristone en une seule prise, 2 jours après le pic de LH. Celui-ci a été déterminé par elles-mêmes grâce à des tests LH rapides et confirmé par radio-immunologie. Le taux plasmatique de progestérone a été mesuré durant 5 jours et l'HCG 2 semaines après la prise du traitement. Chez ces 21 femmes, 169 cycles ont été étudiés. Le médicament n'a pas été administré au cours de 12 cycles pour lesquels le pic de LH n'a pu être repéré. Les 157 autres cycles ont été ovulatoires, comme l'indiquait le taux de progestérone. Aucun effet secondaire n'a été signalé. Trente-cinq pour cent des patientes ont noté un saignement très modéré quelques jours après la prise du RU 486. La durée du cycle est restée inchangée chez les patientes étudiées.
La moyenne des rapports sexuels était de 1,5 par semaine et au cours des 124 cycles, un rapport au moins a eu lieu 3 jours avant ou 1 jour après l'ovulation. Une seule grossesse est survenue, interrompue par aspiration. Les HCG étaient négatifs pour tous les autres cycles.
La probabilité d'une grossesse après prise de mifépristone durant cette période du cycle a donc été de 0,008, ce qui est significativement bas par rapport au taux de 0,485 (35 grossesses) retrouvé dans une enquête de l'O.M.S. qui portait sur 72 cycles sans contraception, avec des rapports sexuels s'effectuant dans les mêmes conditions que lors de la présente étude et où l'ovulation était repérée par la glaire.
Un mécanisme imparfaitement élucidé
Le mécanisme qui permet à la mifépristone d'empêcher une conception n'est pas totalement élucidé. E. Beaulieu a suggéré, en 1975, que la diminution de la fonction du récepteur de la progestérone par une anti-progestérone se manifestait quelques jours plus tard par un défaut d'implantation. Immédiatement après l'ovulation, la mifépristone inhibe les modifications sécrétoires de l'endomètre, et cet effet peut à lui seul empêcher la nidation. Ce produit a également une action sur les autres sécrétions endométriales sous la dépendance de la progestérone, ce qui pourrait retentir sur la nidation. Le RU 486 modifie également la contractilité utérine, lui conférant une plus grande amplitude et un tonus plus bas par rapport à un cycle non traité, mais le rôle de la contractilité utérine dans la nidation n'a jamais été clairement démontré. Un effet direct sur le blastocyte semble peu probable d'après les études chez l'animal. Il paraît également peu vraisemblable que le RU agisse comme un abortif précoce et non en inhibant la nidation, puisque chez aucune des femmes, sauf celle qui a eu une grossesse, on n'a décelé de HCG positif en fin de cycle.
Une utilisation en théorie possible comme contraceptif
L'utilisation de la mifépristone comme contraceptif pourrait se faire théoriquement dans plusieurs circonstances.
Administrée durant la phase proliférative, elle retarde l'ovulation, entraîne une aménorrhée même pour de très petites doses quotidiennes, bloque l'ovulation mais pas le développement folliculaire.
Son utilisation comme contraceptif est donc théoriquement possible, mais son efficacité et son innocuité dans cette indication n'ont pas été évaluées.
Le RU a été utilisé en contraception post-coïtale : 600 mg donnés dans les 72 heures qui suivent un seul rapport non protégé se sont avérés très efficaces et entraînant moins d'effet secondaire que la méthode de Yuzpe (2 fois 2 comprimés d'un estroprogestatif à 50 gamma d'estrogène et 0,5mg de norgestrel à 12 h d'intervalle). Ce protocole n'est cependant utilisable qu'en urgence et ne peut être répété car il modifie le cycle.
La prise de RU 486 tous les mois en fin de cycle a également été étudiée. L'efficacité de ce traitement s'est révélée insuffisante pour une utilisation courante. Il garde cependant son intérêt en urgence car il ne perturbe pas le cycle.
L'administration en phase lutéale précoce semble constituer, quant à elle, une méthode de contraception fiable que l'on peut répéter chaque mois, mais cela nécessite de repérer avec précision la date de l'ovulation, ce qui est difficilement envisageable pour toutes les femmes. De plus, le coût des tests LH est un facteur limitant. On peut imaginer, dans un futur proche, des améliorations de ces tests qui les rendraient facilement accessibles.
L'administration mensuelle de mifépristone immédiatement après l'ovulation deviendrait alors une alternative contraceptive intéressante.
Danielle Hassoun
Gemzel-Danielsson K. et coll. : "Early luteal phase treatment with mifepristone (RU 486) for fertility regulation". Human Reproduction, 1993 ; 8-6 : 870-873.
HASSOUN DANIELLE