L'échoendoscopie est une technique à visée diagnostique d'introduction récente particulièrement intéressante en cancérologie digestive. Elle fait maintenant partie de l'exploration de tout cancer de l'œsophage, en l'absence de sténose infranchissable par l'appareil. Son utilité dans le diagnostic et le bilan d'extension du cancer du pancréas a été bien démontrée par quelques travaux préliminaires. En revanche, elle n'a pas encore été rigoureusement évaluée, en particulier par rapport à la cholangiowirsungographie rétrograde endoscopique (CPRE), qui reste, pour la plupart des auteurs, la méthode diagnostique actuelle de référence du cancer du pancréas.
T. Rösch et coll. ont réalisé une étude prospective de 1988 à 1990 chez 132 malades suspects de tumeur pancréatique. Chez tous ses sujets, une échographie et un examen tomodensitométrique de l'abdomen, une échoendoscopie et une CPRE étaient réalisés de manière indépendante. Le diagnostic final a été connu soit par l'intervention (n = 47), soit par une ponction transpariétale (n = 36), soit par l'autopsie (n = 3) ou le suivi (n = 46). Chez 30 de ces sujets, la suspicion initiale de tumeur pancréatique n'a pas été confirmée. Parmi les 102 malades ayant une tumeur du pancréas, il s'agissait dans 26 cas de tumeurs "inflammatoires". Le siège des tumeurs s'est réparti en lésions de la tête (n = 69), du corps (n = 23) ou de la queue du pancréas (n = 10). La taille moyenne des tumeurs était de 4,5 cm. Les sensibilités, pour le diagnostic de tumeurs du pancréas, de l'échoendoscopie, de l'échographie transcutanée, de la tomodensitométrie abdominale et de la CPRE ont été respectivement de 99 %, 67 %, 77 % et 99 %. Les spécificités de l'échoendoscopie et de la CPRE ont été respectivement de 100 % et 73 %, les valeurs prédictives positives de 100 % et 92 %, les valeurs prédictives négatives de 97 % et 82 %. Si l'on s'intéressait aux sous-groupes des tumeurs de moins de 3 cm de diamètre (n = 27), les sensibilités des différentes méthodes ont été respectivement de 100 %, 50 %, 55 % et 90 %. La capacité de ces quatre techniques à différencier une tumeur maligne d'une lésion inflammatoire a été également étudiée dans un second temps.
Les signes en faveur d'une lésion maligne étaient l'existence d'adénopathies typiquement tumorales, de signes d'envahissement vasculaire et de métastases hépatiques. Les signes en faveur d'une lésion inflammatoire étaient la présence de pseudokystes, de calcifications et de modifications diffuses de la glande pancréatique. L'échoendoscopie a permis d'authentifier une lésion tumorale dans 76 % des cas et une lésion inflammatoire dans 46 % des cas ; ces résultats ont été significativement plus élevés que ceux obtenus par l'échographie transcutanée, semblables à ceux de la tomodensitométrie et de la CPRE prises isolément, mais inférieurs à ceux obtenus par l'association CPRE et tomodensitométrie.
Innocuité de l'échoendoscopie
Cet article montre que l'échoendoscopie est, avec la CPRE, la meilleure méthode actuelle d'imagerie pour faire le diagnostic du cancer du pancréas. Elle semble particulièrement intéressante dans la détection des petites tumeurs qui peuvent être méconnues par d'autres techniques d'exploration. L'échoendoscopie a de plus l'avantage d'une innocuité totale ; en particulier, elle n'expose pas au risque de pancréatite aiguë qui existe, même si il est faible, au cours de la CPRE.
Le terme de "tumeurs inflammatoires" du pancréas est très vague et semble recouvrir, mais sans que cela soit clairement dit, les complications et les anomalies diffuses du pancréas telles qu'on les rencontre au cours de la pancréatite chronique.
De plus, des malades disparaissent à chaque étape de la lecture, ce qui nuit considérablement à la clarté de ces données ; en particulier, on ne sait pas toujours à quelle population s'associent les résultats rapportés. Afin de conclure plus positivement, il paraît utile de signaler que l'inclusion dans cette série de 4 lymphomes et de 2 gastrinomes démontre que l'aspect échoendoscopique de la lésion pancréatique n'est pas fonction de sa nature histologique.
Gilles Lesur