LES TRANSPLANTATIONS COEUR-POUMONS EN PEDIATRIE

Les transplantations d'organes prennent à l'heure actuelle une place de plus en plus importante. Cette nouvelle modalité thérapeutique pose de nombreux problèmes, soit communs à toutes les greffes (éthiques, rejets de greffe, qualité de survie...), soit propres à l'organe transplanté.

La transplantation cœur- poumons est maintenant présentée comme le dernier traitement en date de l'insuffisance respiratoire terminale. Le succès de ce traitement a inévitablement conduit à son extension en pédiatrie où les résultats chez l'enfant sont au moins aussi bons que chez l'adulte. Cependant, une approche prudente semble nécessaire si l'on tient compte des arguments moins optimistes émanant des publications sur ce sujet.

Les indications

Les indications de la transplantation cœur-poumons sont principalement la mucoviscidose, mais aussi l'hypertension artérielle primitive, les alvéolites fibreuses cryptogéniques, les fibroses pulmonaires... La sélection des candidats à la transplantation repose sur des critères extrêmement rigoureux : fonctions pulmonaires inférieures à
30 % des standards pour l'âge, qualité de vie très diminuée, saturation en oxygène de moins de 90 % et une espérance de vie de moins de 2 ans. L'absence de critères pronostiques à court terme compromet toutefois la sélection : des décès dus à des maladies intercurrentes imprévisibles sont possibles, en particulier des surinfections virales ou bactériennes.

Les critères d'exclusion absolue sont : une mauvaise compliance au traitement (l'adhésion rigide au traitement immunosuppresseur après la greffe est impérative car des doses non prises de ciclosporine valent une sentence de mort), ainsi que de mauvaises conditions psychosociales (un avis complémentaire est alors demandé au psychiatre) ou un traitement par des corticoïdes à fortes doses, de mauvaises fonctions rénale ou hépatique, enfin, un antécédent de pleurectomie. Seuls les patients n'ayant pas répondu à tous les traitements existants, pourront, au bout du compte, être admis sur un programme de transplantation.

Douleur, mais aussi souffrance et angoisse

L'importance des souffrances et des angoisses ressenties par ces enfants et leur famille mérite aussi d'être soulignée. Les perturbations sociales et géographiques rencontrées au cours de l'évaluation proprement dite, de la période d'attente d'une transplantation et de celle de soins intensifs après la greffe posent d'énormes problèmes.

Si l'espoir généré par la transplantation a eu, dans certains cas, des effets positifs, il a aussi représenté un véritable cauchemar pour de nombreuses familles. Une forme particulière de souffrance est de donner à un enfant, dont l'état de santé se dégrade rapidement, un espoir qui pourra se traduire chaque semaine comme un échec devant l'absence d'organes disponibles (l'information du public avec l'appui des pédiatres et des anesthésistes responsables des soins intensifs est donc fondamentale). De plus cette disponibilité se voit encore limitée par le court laps de temps (4 heures) pendant lequel les organes restent viables après le prélèvement.

Au stade terminal, le désir d'éviter des traitements palliatifs peut aussi entraîner une souffrance inutile. La décision d'utiliser ou non la ventilation artificielle pose d'énormes problèmes médicaux et éthiques. Les résultats des transplantations chez des enfants préalablement ventilés est mauvais et il semblerait préférable pour un enfant en insuffisance respiratoire terminale de recevoir un traitement approprié pour qu'il puisse mourir dans la paix, la dignité et certainement sans douleur.

La possibilité de la transplantation a modifié fondamentalement les comportements et les décisions médicales. Malheureusement, certaines familles ont très sérieusement proposé de renoncer à certains traitements pour aggraver l'état clinique, ce qui accélérerait la transplantation et éviterait des souffrances !

Il existe de bons arguments pour penser que les corticoïdes sont très importants dans un certain nombre de maladies respiratoires chroniques, en particulier la mucoviscidose, mais les médecins deviennent plus réticents quant à leurs indications. En outre la pleurectomie qui est très efficace dans les pneumothorax récidivants au cours de la mucoviscidose, devient contre-indiquée dans la perspective d'une greffe. A l'heure actuelle, cependant, l'utilisation d'aprotinine ainsi que la double transplantation pulmonaire qui améliore l'accès à la cavité pleurale, rendent l'existence d'une pleurectomie moins problématique puisqu'ils devraient permettre un meilleur contrôle des points de saignements. Le but de la transplantation est d'améliorer la qualité de la vie, pas uniquement de la prolonger. Il serait plus honnête à ce stade de nos connaissances de dire que ce traitement est palliatif plutôt que curatif.

Les sujets admis sur une liste provisionnelle peuvent voir leur qualité de vie améliorée ; cette décision transmet un message important aux familles : la maladie n'est pas à un stade où la mort est imminente ou susceptible de survenir dans les 2 ans à venir.

La nécessité d'informer l'enfant et sa famille est une part essentielle du traitement ; l'incertitude de la période d'attente, la phase post-opératoire immédiate, l'issue à long terme et les risques de rejets, le traitement à vie par les immunosuppresseurs et ses effets secondaires, la nécessité prévisible de fréquentes hospitalisations, les perturbations familiales, peuvent contrebalancer l'espoir d'une amélioration de la qualité de la vie.

Le même degré d'honnêteté doit être abordé avec l'enfant, en particulier la confrontation avec la mort, certains parents ayant des difficultés à y faire face. Ceci peut aussi avoir des effets bénéfiques sur ce sujet considéré comme tabou jusque là : les adolescents en particulier, qui connaissent la sévérité de leur condition et le risque de mourir, ne peuvent souvent pas en parler avec leurs parents car ils ont peur de les bouleverser. De nombreuses familles ont signalé l'amélioration de leurs motivations et de meilleures relations après de tels entretiens.

Information et entretiens sont essentiels

De nombreux pédiatres se posent la question de la "sagesse" d'une telle thérapeutique. Actuellement, un tiers des patients seulement peut bénéficier d'une transplantation, et uniquement 2/3 d'entre-eux peuvent espérer être en vie au moins un an après l'intervention. Ainsi, seules les familles ayant une structure psychologique stable, et dont l'enfant remplit tous les critères de sévérité d'insuffisance respiratoire sans contre-indication, devront être choisies.

Les enfants et les parents seront soigneusement informés de tout ce qui peut se passer. Toutes les familles doivent être informées que la transplantation est le dernier recours et le restera. Il est donc nécessaire d'insister sur la prévention, le diagnostic précoce et sur l'efficacité des traitements médicaux disponibles, dans le cadre des affections respiratoires chroniques.

La transplantation cardio-pulmonaire n'est pas un traitement miracle. Le bénéfice de l'investissement massif suscité par la transplantation cardio-pulmonaire pour une petite minorité apporte-t-il réellement une amélioration en regard des souffrances des autres patients et est-ce un espoir thérapeutique raisonnable ?

Les résultats sont loin d'être connus et ouvrent le débat sur l'opportunité et la réalité de tels traitements. Peut-on indéfiniment repousser la mort et refuser son destin, et si oui à quel prix ?

 

Smyth R.L et coll. : "Early experience of heart-lung transplantation". Arch. Dis. Child., 1989 ; 64 : 1225-1229.

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Whitehead B. et coll. : "Heart -Lung transplantation for cystic fibrosis. I : Assessment". Arch. Dis. Child., 1991 ; 66 : 1018-1021.

Whitehead B. et coll. : "Heart-Lung transplantation for cystic fibrosis. II : Outcome". Arch. Dis. Child., 1991 ; 66 : 1022-1025.

Nicole Triadou

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