KERATOSIS FOLLICULARIS SPINULOSA DECALVANS

Keratosis follicularis spinulosa decalvans

La coexistence d'une kératose pilaire et d'une alopécie cicatricielle résume la sémiologie d'une génodermatose rare, la "keratosis follicularis spinulosa decalvans" (KFSD). La découverte de cette affection au nom barbare et néanmoins parfaitement latin est attribuée à Siemens, en 1925. Deux observations récentes nous en rappellent les caractéristiques.

Le cas rapporté par l'équipe du Dr Blanchet-Bardon est celui d'un garçon dépourvu d'antécédents familiaux notables, qui a développé à l'âge de six mois une dermatose de la tête, du cou et de la région distale des membres. L'éruption comportait des bouchons cornés folliculaires sur fond d'érythème. Elle s'aggravait avec le temps et, touchant le cuir chevelu, déterminait une alopécie progressive. L'examen ophtalmologique montrait des pertes de substance cornéenne ponctuées. Dents, ongles et muqueuses étaient en revanche respectés. Le bilan biologique était sans particularité. La biopsie d'une lésion du bras permettait de constater une hyperacanthose, une hyperkératose et d'importants bouchons cornés folliculaires; le derme était normal. La microscopie électronique révélait une large couche granuleuse, constituée de 6 assises de cellules pauvres en tonofilaments mais pleines en revanche de granules anormaux. Les membranes cellulaires étaient souvent épaissies et l'on notait la présence de gouttelettes et de vacuoles lipidiques. Au niveau du cuir chevelu, l'histologie était celle d'une alopécie cicatricielle.

Il a d'abord été procédé à un simple traitement antiseptique, qui demeura sans effet. Par la suite, l'apparition puis l'extension de folliculites du cuir chevelu à évolution croûteuse a justifié un prélèvement bactériologique. Celui-ci démontrant la présence de Staphylococcus aureus, une antibiothérapie adaptée a été débutée, qui a entraîné une amélioration strictement cantonnée au cuir chevelu. A l'âge de 13 ans, un essai d'étrétinate à la dose de lmg/kg/jour a été tenté pendant 5 mois puis stoppé en l'absence de bénéfice thérapeutique appréciable. Le jeune patient se traite maintenant exclusivement par des topiques à base d'acide lactique ; il garde une dermatose sévère comprenant une alopécie cicatricielle étendue du cuir chevelu et des sourcils, ainsi que des lésions disséminées de kératose folliculaire spinulosique décalvante sur le corps.

Le cas rapporté par Michèle Maroon et coll. est celui d'un homme de 28 ans, mais l'âge de début de sa maladie n'est pas précisé. Des antécédents familiaux sont en revanche retrouvés par l'interrogatoire du patient, à type de kératose pilaire chez la mère, la sœur et plusieurs des neveux et nièces. Cliniquement, différents types de lésions coexistent : des papules folliculaires squameuses rouge violacé du visage, notamment sur le menton et les sourcils ; une plaque alopécique unique mesurant 8 cm sur le cuir chevelu, à caractère papulopustuleux et squameux ; une kératodermie palmoplantaire modérée. Enfin, on note que la chevelure du patient est curieusement et excessivement bouclée.

Une tentative de traitement par isotrétinoïne per os à raison de
1 mg/kg/jour s'est soldée par un échec au bout de 20 semaines.

Un trouble héréditaire de la kératinisation

La KFSD est un trouble héréditaire de la kératinisation. La plupart des cas étudiés permettent d'incriminer un gène situé sur le chromosome X, mais on a fait état aussi d'une famille où la transmission semblait autosomique dominante. La kératose pilaire apparaît progressivement, en général dans la première année de vie. Pour des raisons inconnues, les poussées inflammatoires pustuleuses sont en règle confinées au cuir chevelu. Différentes manifestations associées ont pu être répertoriées : blépharite et photophobie fréquentes, defects cornéens, kératodermie palmoplantaire, signes d'atopie. Une observation isolée rapporte une surdité, une autre la coexistence d'un glaucome, d'une cataracte lenticulaire, d'une arachnodactylie, d'un retard mental et d'une amino-acidurie. Plusieurs cas d'augmentation de l'excrétion urinaire d'acide aspartique ont d'ailleurs été relevés.

Le diagnostic différentiel de la KFSD comprend l'ichthyose folliculaire, qui est congénitale, l'ulérythème ophryogène et enfin... la "keratosis follicularis atrophians faciei" (KFAF de Brocq). A l'heure actuelle, le diagnostic repose essentiellement sur des arguments histocliniques. Pour certains auteurs, la place nosologique de la KFSD se situe en fait au sein d'un "spectre" de troubles similaires qui ne diffèrent que par des nuances de topographie et d'intensité des signes inflammatoires. A côté de la KFSD, on retrouverait dans ce spectre la KFAF et l'atrophoderma vermiculatum (caractérisée par des lésions atrophiques sinueuses du visage, comme si la peau y avait été grignotée par un ver). Des informations nouvelles sont apportées par ces deux publications. Tout d'abord, les aspects ultrastructuraux observées par l'équipe de l'hôpital Saint-Louis. Ensuite, l'échec des rétinoïdes dans les deux cas. Mais il faudra sans doute encore bon nombre d'observations et d'investigations pour percer tous les secrets de cette maladie au nom si terrible. *

Antoine Petit

Maroon M. et coll. : "Keratosis pilaris and scarring alopecia"

Puppin D., Blanchet-Bardon C. et coll. : "Keratosis follicularis spinulosa decalvans : Report of a case with ultrastructural study and unsuccessful trial of retinoids".

Dermatology, 1992 ; 184 : 133-136.

PETIT ANTOINE

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