L'avantage du traitement chirurgical sur le traitement médical des sténoses carotidiennes symptomatiques supérieures à 70% n'a été démontré, de manière formelle, que récemment. Le problème reste encore entier pour les sténoses carotidiennes serrées asymptomatiques.
La précision des écho-Doppler cervicaux modernes confronte des malades souvent inquiets à la lecture de leur compte rendu par le praticien. Or la littérature médicale n'apporte pas, actuellement, d'élément décisif en faveur d'un acte chirurgical et la décision, au cas par cas, reste pour une large part fondée sur des éléments purement subjectifs. R.W. Hobson et le Veterans Affairs Cooperative Study Group ont publié les résultats d'une étude multicentrique portant sur 444 patients porteurs d'une sténose carotidienne supérieure à 50%, qui n'avaient, jusque-là, manifesté aucun symptôme clinique, et comparant après tirage au sort les résultats du traitement médical et de la chirurgie.
Le but de l'essai était de déterminer la fréquence de survenue d'accident ischémique transitoire (y compris rétinien) ou d'accident vasculaire cérébral (AVC) constitué après, soit le meilleur traitement médical possible seul (650 mg d'aspirine matin et soir), soit l'association de ce traitement à une endartériectomie carotidienne préventive. L'étude n'a concerné que des hommes dont l'âge moyen était de 64,5 ans. La sténose, découverte par des examens non invasifs, devait être confirmée par une artériographie et représenter plus de 50% du calibre artériel. Un scanner éliminait notamment un éventuel AVC passé inaperçu qui aurait rendu la sténose "symptomatique". Les contre-indications habituelles à la chirurgie ont été respectées.
Le groupe "médical" comportait 233 patients, le groupe "chirurgical" en incluait 211.
Huit morts d'infarctus
Le suivi a été assuré indépendamment par un neurologue et un chirurgien vasculaire pendant une durée moyenne de 4 ans (47,9 mois). L'incidence comparée d'événement neurologique ipsilatéral à la sténose a été de 8% dans le groupe chirurgical contre 20,6% dans le groupe médical (p < 0,001). L'incidence d'un AVC constitué homolatéral a été respectivement de 4,7 et de 9,4%. La comparaison de l'incidence d'un AVC constitué et/ou d'un décès dans les 30 jours post-opératoires (ou post-randomisation) n'était pas significativement différente, non plus que la comparaison entre les deux groupes concernant tous les AVC et tous les décès survenus pendant la période de surveillance (groupe chirurgical : 41,2% ; groupe médical : 44,2%). La principale cause de mort, y compris dans la période post-opératoire a été l'infarctus du myocarde.
Le traitement chirurgical préventif des sténoses carotidiennes asymptomatiques supérieures à 50% associé au traitement anti-agrégant semble donc diminuer significativement la fréquence de survenue d'un événement neurologique ipsilatéral, mais ne pas modifier l'incidence globable d'AVC constitué ou de décès.
Les auteurs en concluent que, du fait de la taille de leur échantillon, un "effet modeste de l'endartériectomie ne peut être exclu"...
Hobson R.W. et coll. : "Efficacy of carotid endarterectomy for asymptomatic carotid stenosis", N. Engl. J. Med., 1993 ; 328 : 221-227.
Jean-Marc Bleibel