Le fluconazole est un triazolé surtout utilisé dans les candidoses des immunodéprimés ou les cryptococcoses. Cependant il est également actif sur la plupart des mycoses cutanées superficielles.
Au congrès de San Francisco (Abstract N°172) ont été rapportés des résultats dans le pityriasis versicolor (400 mg en prise unique) ou les onyxis dermatophytiques (100 mg 1 jour sur 2 pendant 8 mois). Dans les dermatophyties de la peau glabre, une posologie de 50 mg par jour pendant 4 à 6 semaines permet 75 à 90% de guérisons.
Une drogue qui colle à la peau
C'est sa pharmacocinétique très avantageuse qui distingue le fluconazole de ses cousins imidazolés: très bonne absorption digestive (même en présence d'anti-acides ou d'anti-H2), faible liaison aux protéines plasmatiques, excellente diffusion et accumulation dans les tissus. Dans la peau en particulier, les concentrations peuvent être 10 fois supérieures à celles du plasma, avec une rémanence prolongée. D'où l'idée d'espacer les prises pour économiser ce produit coûteux et amé1iorer l'observance des traitements au long cours.
Certains avaient déjà remarqué l'amélioration inespérée d'onyxis dermatophytiques rebelles chez les sidéens qui reçoivent de façon intermittente du fluconazole pour leur candidose orale. Une double étude coopérative ouverte évalue l'intérêt de traiter une fois par semaine dermatophyties et candidoses de la peau glabre.
150 mg par semaine pour les mycoses superficielles
Cent soixante-cinq adultes ont été ainsi traités pour herpès circiné, intertrigo des grands plis ou des orteils et teignes plantaires diffuses. Trichophyton rubrum était responsable de 3/4 des cas, les autres se répartissant entre T. mentagrophytes, E. floccosum, C. albicans, et M. canis.
Les patients ont reçu, après contrôle sanguin, 150 mg de fluconazole une fois par semaine jusqu'à guérison ou jusqu'à 4 prises au maximum.
Le nombre moyen de prises nécessaires diffère selon le champignon (2 pour Candida albicans et Epidermophyton floccosum, 3 ou 4 pour les autres) mais non selon la localisation. Les atteintes du pied s'avèrent plus résistantes (75% de guérisons) que les autres (plus de 90%). Les rechutes au-delà d'un mois après le traitement se sont produites dans un cas sur dix dans les intertrigos inguinaux et les dermatophyties en pleine peau et étaient presque toutes dues à T. rubrum. De même le taux de récidive a été de 15% pour les mycoses cutanées des pieds à T. rubrum et de 40% pour celles dues à une association T. rubrum et C. albicans.
Bonne tolérance
Le fluconazole pose peu de problèmes de tolérance mais
peut
interférer avec de nombreuses drogues : coumariniques,
barbituriques phénytoïne, rifampicine, sulfamides hypoglycémiants,
ciclosporine. Quelques accidents d'hypersensibilité immédiate ont
été signalés, ainsi que des é1évations des transaminases. Ici 10
patients sur 165 ont ressenti des effets contraires : douleurs
abdominales et dyspepsie dans 3 cas, acné dans 3 cas, céphalées
dans 2 cas, prurit ou urticaire dans 2 cas. Un seul patient a dû
interrompre le traitement.
Un malade a montré une tendance leucopénique réversible, deux, une hyperéosinophilie discrète. Dans quelques cas ont été observées des fluctuations des transaminases peu significatives, sans corrélation nette avec les prises médicamenteuses.
Une place à définir
Des résultats intéressants pour un traitement peu contraignant et semble-t-il peu dangereux. Le produit reste onéreux et on hésitera peut-être à galvauder une drogue nécessaire dans les infections résistantes des immunodéprimés. Les antifongiques topiques modernes sont très actifs sur les mycoses superficielles limitées et les contraintes liées à leur application sont modestes. A l'opposé le fluconazole, pas plus que les imidazolés oraux ou la terbinafine, ne semble capable de régler à 100% le problème des infections chroniques multifocales à T. rubrum. L'atteinte des ongles, si on établit qu'une administration hebdomadaire est 1à aussi suffisante, sera peut-être une application plus intéressante de ce rythme d'administration.
Suchil P. : "Once weekly oral doses of fluconazole 150 mg in the treatment of tinea corporis/cruris and cutaneous candidiasis". Clin. Exp. Dermatol. , 1992 ; 17 : 397-401.
Del aguila R. : "Once weekly oral doses of fluconazole 150 mg in the treatment of tinea pedis". Clin. Exp. Dermatol. , 1992 ; 17 : 402-406.
François Blanc