Au cours de l'adolescence, les cycles anovulatoires sont fréquents. Généralement, il se produit une "maturation" progressive de la fonction gonadique et des cycles réguliers et ovulatoires se mettent lentement en place. Mais ce n'est pas toujours le cas puisque des anomalies importantes de la cyclicité peuvent persister. Aussi, S. Venturoli et coll. ont essayé, depuis quelques années, de faire la lumière sur le syndrome de l'anovulation de l'adolescente. Dans un premier temps, ils ont été en mesure de montrer que les jeunes filles entrant dans ce cadre peuvent schématiquement être classées en deux groupes selon les taux hormonaux qu'elles présentent, en particulier concernant les taux de base et la sécrétion pulsatile de LH. Cette équipe a pu suivre l'évolution de certaines de ces patientes sur plusieurs années. L'analyse de l'évolution de l'anomalie avec le temps a confirmé la pertinence de la classification initiale et a permis d'en souligner l'intérêt pronostique.
Un premier groupe était constitué par six adolescentes ayant présenté, lors de l'évaluation initiale, des paramètres hormonaux normaux, c'est à dire pratiquement identiques à ceux observés chez des jeunes filles de même âge normalement réglées. Les taux sériques moyens étaient de 6,7 +/- 2,8 mUI/ml pour la FSH et de 9,3 +/- 2,7 mUI/ml pour la LH. Les taux des androgènes étaient également normaux avec, en particulier, un taux de testostérone de 1,2 +/- 0,8 nmol/l. Enfin, la pulsatilité de la LH a montré des caractéristiques semblables à celles que l'on mesure au cours de la phase folliculaire normale. Lors de l'évaluation des 6 patientes de ce groupe, 3 ans et demi plus tard, il est apparu que les cycles étaient devenus ovulatoires chez 5 d'entre elles. L'étude des caractéristiques hormonales n'a montré pratiquement aucune différence avec la situation initiale, si ce n'est une légère augmentation de la fréquence des pulses, ce qui est une constatation habituelle au cours de l'adolescence. Un second groupe de sept patiente était caractérisé par la présence d'un profil hormonal particulier dès l'évaluation initiale : le taux de FSH était de 7,4 +/- 1,4 mUI/ml mais le taux de LH était très élevé (28,3 +/- 8,0 mUI/ml) de même que celui des androgènes (testostérone à 2,5 + 0,9 nmol/l, androstenedione à lO,l +/- 2,2 nmol/l). Les pulses de LH étaient de fréquence rapide (9,3 +/- 1,7 pulses par 8 heures) et amples (10,6 +/- 3,4 mUI). Lors de l'évaluation du suivi, faite après un délai moyen de 3 ans, il a été noté que 3 de ces 7 patientes présentaient des cycles devenus ovulatoires tandis que 4 avaient conservé des cycles anovulatoires. Dans les 3 cas où les cycles étaient devenus ovulatoires, une normalisation des paramètres hormonaux a pu être mise en évidence : les taux de base de LH et d'androgènes avaient rejoint la zone de référence, les pulses de LH étaient moins amples et moins rapides. Au contraire, chez les 4 patientes restées anovulatoires, les caractéristiques hormonales sont demeurées identiques à celles de l'évaluation initiale.
Les données obtenues par S. Venturoli et coll. mettent plusieurs points en exergue. Tout d'abord, ces investigateurs ont confirmé la pertinence du classement en deux groupes des anovulations post-pubertaires. Dans le premier cas (groupe 1), l'ensemble des anomalies observées évoque un simple retard de maturation pubertaire. Il existe, dès l'origine, peu d'anomalies hormonales et la "guérison" est de règle. Sur le plan physiologique, on est cependant frappé par le peu de différence qui existe chez ces adolescentes entre les profils de pulsatilité de LH au moment où les cycles sont encore anovulatoires et celui où les cycles sont devenus ovulatoires. Les mécanismes de la régulation hypothalamo-hypophysaire du cycle menstruel nous réservent encore bien des surprises... Dans le second cas (groupe 2), il existe d'emblée une perturbation hormonale objective de la LH et des androgènes. Le pronostic est réservé puisque moins de la moitié des adolescentes de ce groupe ont vu leurs cycles se normaliser. On est tenté de rapprocher le profil hormonal que présentent ces adolescentes de celui que l'on observe au cours du syndrome des ovaires polykystiques : LH de base élevée, pulses de LH amples et rapides, androgènes augmentés. Mais les données actuelles ne permettent pas d'affirmer l'existence d'un lien pathogénique entre les deux entités. Il n'en reste pas moins que la reconnaissance d'un tel profil au cours des cycles anovulatoires post-pubertaires a sûrement une valeur péjorative et mérite d'être recherchée en pratique.
Daniel Déerre
Venturoli S. et coll. : "Longitudinal evaluation of the different gonadotropin pulsatile patterns in anovulatory cycles of young girls". J. Clin. Endocrinol. Metab., 1992 ; 74 : 836-841.
DEERRE DANIEL