L'obstruction du canal de Wirsung par des calculs pancréatiques est une complication classique et non exceptionnelle de la pancréatite chronique. Le rôle de ces calculs intra-canalaires dans la survenue des poussées de pancréatites aiguës, des douleurs chroniques et dans l'aggravation de la pancréatopathie a été suggéré par plusieurs travaux. Les indications et les résultats de l'endoscopie interventionnelle pancréatique, et en particulier de l'extraction endoscopique de ces calculs, au cours de la pancréatite chronique avec obstruction du canal de Wirsung, sont moins clairement définis.
Le but du travail de Sherman et coll. était d'étudier l'intérêt de l'ablation endoscopique des calculs chez 32 patients atteints de pancréatite chronique avec obstruction lithiasique du canal de Wirsung. Les malades ont été répartis en 2 groupes selon le caractère continu (groupe A, n = 14) ou discontinu (groupe B, n = 18) des douleurs. La durée moyenne de suivi était de 1,6 (groupe A) et 2,3 ans (groupe B). Une pancréatographie rétrograde endoscopique permettait de classer les lésions canalaires selon la classification de Cambridge et de préciser le nombre, le siège et la taille des calculs.
70% des patients améliorés par extraction endoscopique des calculs
L'extraction endoscopique après sphinctérotomie pancréatique, éventuellement couplée à une sphinctérotomie biliaire, a été réalisée, le plus souvent grâce à une sonde de Dormia, parfois après fragmentation mécanique des calculs. L'extraction endoscopique était complète dans 60% des cas et incomplète dans 12,5% des cas. Soixante-dix pour cent de ces malades ont vu leurs symptômes améliorés au décours immédiat et 6 mois après ces manoeuvres endoscopiques. Cette amélioration était surtout sensible dans le groupe des malades ayant des douleurs abdominales à rechutes. Les facteurs semblant liés à une meilleure efficacité du traitement endoscopique étaient un nombre de calculs inférieur à 3, un diamètre lithiasique inférieur à 10 mm, la non impaction des calculs dans le canal de Wirsung, leur siège céphalique ou corporéal et l'absence de sténose du canal de Wirsung. Après un traitement endoscopique réussi, 90% des malades n'avaient pas de récidives lithiasiques à sept mois, une régression des anomalies canalaires était constatée chez 25% d'entre eux et 40% présentaient une nette diminution du diamètre du canal principal à la wirsungographie de contrôle. Quatre pancréatites aiguës de sévérité modérée et d'évolution toujours favorable ont d'autre part été décelées dans les suites des gestes endoscopiques.
La physiopathologie de la douleur au cours de la pancréatite chronique fait essentiellement intervenir l'hyperpression canalaire, à laquelle participe bien souvent l'obstruction du canal de Wirsung par des calculs. Ce travail démontre l'intérêt de l'extraction endoscopique des lithiases pancréatiques et met en évidence des facteurs prédictifs de succès endoscopique. Le taux de réussite des extractions endoscopiques dans ce travail est proche de celui rapporté par d'autres équipes dans la littérature. La mise en évidence d'une amélioration clinique nette et durable, mais aussi radiologique, permet de penser que ce geste peut parfois ralentir l'évolution de la pancréatopathie. D'autres études, comportant un recul plus important, sont cependant nécessaires pour confirmer cette théorie. Les échecs de ces traitements endoscopiques constituent vraisemblablement des indications potentielles de la lithotritie extra-corporelle des calculs pancréatiques, ce qui incite à préconiser, dans l'avenir, l'association de ces deux techniques. Il convient maintenant de définir clairement les indications de ce traitement endoscopique au cours de la pancréatite chronique et de les situer par rapport à celles de la dérivation wirsungo-digestive chirurgicale qui reste, dans certains cas, une alternative thérapeutique raisonnable.
Gilles Lesur