Il est fréquent que des malades psychiatriques consultent pour des symptômes cutanés souvent mis au premier plan. La maladie psychiatrique sous-jacente peut être une psychose, une névrose obsessionnelle, une dépression ou un désordre de la personnalité. Le tableau en page 9 résume la classification utilisée par les auteurs.
Délires et hallucinations
Les psychoses se caractérisent par un délire et/ou des hallucinations. Le tableau le plus connu est le délire de parasitose mais d'autres manifestations sont possibles. Il peut par exemple s'agir de l'idée de contamination par des corps étrangers, de sensations de dissolution de la peau au contact de l'eau, de pousse des cheveux vers l'intérieur, d'odeur nauséabonde de la peau ou de la sueur, d'hallucinations tactiles (dysesthésies : glossodynies, vulvodynies...).
Certaines caractéristiques communes sont importantes.
Le patient est entièrement absorbé par son symptôme ; par exemple dans certains délires de parasitose, le patient peut "voir" ou "entendre" les parasites. Ses actes sont dictés par les sensations ressenties. Souvent des examens multiples ont déjà été entrepris. Contrairement à la pathomimie, les patients sont francs et tentent d'avoir une explication logique à leurs signes.
En dehors des dysesthésies, correspondant souvent à un équivalent dépressif plutôt qu'à une réelle psychose, le mécanisme sous-jacent est associé à un neurotransmetteur, la dopamine.
Le traitement repose sur des molécules bloquant les récepteurs dopaminergiques (Haldol®, Orap®), parfois associées à des antidépresseurs. Il est rare que ces patients voient le dermatologue ; en effet, le handicap important que représentent ces manifestations fait que les patients consultent souvent directement le psychiatre.
Obsessions
Le malade souffrant de névrose obsessionnelle est conscient du caractère pathologique de son comportement. Il est anxieux et ressent un sentiment de honte. Le thème des obsessions est souvent le même que celui des délires (parasitose, perte de cheveux, odeur nauséabonde...) mais la conviction est beaucoup plus faible, le patient étant plus ou moins conscient du caractère fictif des manifestations.
Ces obsessions entraînent des conduites compulsives ayant un caractère répétitif et souvent ritualisé.
Il peut s'agir d'examens quasi permanents des téguments. D'au-tres manifestations sont fréquentes : trichotillomanie, prurigo excorié, tic de léchage, dermite des mains par lavages excessifs... Ces patients ont une personnalité souvent rigide, perfectionniste et indécise.
Le traitement repose sur la psychothérapie associée aux anxiolytiques si les symptômes handicapent peu la vie du sujet. Dans les formes les plus sévères, les antidépresseurs anti-sérotoninergiques sont indiqués.
Pathomimie
Des lésions factices peuvent être produites dans des circonstances très variées : de façon consciente, dans le cadre de compulsions ou bien d'idées délirantes. Le terme de pathomimie est réservé à des lésions produites par le patient, consciemment ou inconsciemment, dans le but d'obtenir un bénéfice secondaire totalement inconscient. Donc, bien que le malade puisse se rendre compte de ses activités destructrices, il ne sait pas pourquoi il les réalise.
La pathomimie est beaucoup plus fréquente chez la femme que chez l'homme.
Les lésions sont très variées. Elles sont en général accessibles à la main dominante et ne se conforment pas à la sémiologie des dermatoses connues. Elles sont présentes d'emblée sous leur aspect définitif, sans stades évolutifs.
Alors que le patient apparaît perplexe, vague et peu concerné, la famille est souvent agressive et contrariée qu'aucune cause ou traitement n'aient été trouvés. Le patient et sa famille refusent l'idée que les lésions soient provoquées.
La pathomimie correspond le plus souvent à une personnalité limite ("borderline"), caractérisée par un caractère infantile, impulsif, dépendant et manipulateur.
Le diagnostic de pathomimie est fait à partir du tableau clinique, du type de personnalité et de la négativité des examens somatiques. Pour le traitement, les neuroleptiques, les antidépresseurs et la psychothérapie sont parfois utiles.

En dépression
Beaucoup de patients dépressifs ont comme principaux symptômes des manifestations physiques, en particulier dermatologiques.
Il peut s'agir d'urticaires chroniques, de prurits, de dysesthésies (glossodynies...) ou de l'exacerbation d'une dermatose chronique préexistante...
Bien que les symptômes cutanés dominent le tableau, un interrogatoire attentif permet souvent de détecter des signes de dépression.
Certaines dermatoses sont souvent associées à un état dépressif. Il s'agit, en particulier du psoriasis, de l'acné, de la pelade et de l'urticaire. Le traitement repose sur la psychothérapie et les antidépresseurs.
Koblenzer C.S. : "Psychiatric syndromes of interest to dermatologists". Intern. J. of Dermatol., 1993 ; 32 : 82-87.
Frédéric Mathivon