Le lupus ne s'attaque pas qu'à l'homme et à la souris. D'autres animaux peuvent aussi être atteints : les chiens, les chats et même les reptiles. La transmission du lupus canin à des chiens normaux, par injection de filtrats cellulaires obtenus à partir de rates de chiens lupiques a notamment été rapportée. Surtout, l'existence d'un "facteur" pouvant être transmis d'une espèce à une autre a été suggérée devant l'observation d'anomalies immunologiques survenues chez 2 chiens appartenant à des patients atteints de lupus. Et bien que la transmission inverse n'ait pas été observée (les études épidémiologiques menées auprès de sujets sains ayant des chiens lupiques n'ont pas montré d'augmentation de l'incidence du lupus humain) les techniciens de laboratoire manipulant des sérums lupiques ont également davantage d'anticorps anti-ADN natif que leurs collègues spécialisés dans d'autres tâches.
Afin d'étayer l'hypothèse selon laquelle l'exposition à un même facteur, environnemental ou transmissible, pourrait jouer un rôle causal dans l'éclosion du lupus, une équipe de Nottingham a mené une étude préliminaire... chez les chiens de patients lupiques.
Pour cela, ils ont interrogé 50 malades : 27 d'entre eux ont répondu être propriétaires d'un chien de compagnie depuis 3 à 14 ans (les chiens de garde vivant le plus souvent à l'extérieur n'étaient pas pris en compte). Pour des raisons techniques, un prélèvement sanguin pour dosage des globulines plasmatiques et recherche d'auto-anticorps n'a pu être effectué que chez 15 animaux.
Les mêmes examens ont été réalisés chez 10 chiens sains et 9 chiens porteurs de maladie auto-immune (polyarthrite, pemphigus, lupus, anémie hémolytique).
Davantage d'anomalies immunologiques
Des anomalies de l'électrophorèse des protéines ont ainsi pu être observées chez 5 des 15 chiens appartenant aux patients lupiques et chez 4 des 9 animaux ayant une maladie auto-immune, alors qu'aucun des chiens témoins n'en était porteur.
Il s'agissait le plus souvent d'une hypergammaglobulinémie polyclonale, mais 2 chiens de chaque groupe avaient une gammapathie monoclonale.
De même, des anticorps anti-ADN, recherchés sur thymus de veau, étaient présents chez 8 des 15 chiens de malades lupiques et chez 3 des 9 animaux porteurs d'une maladie auto-immune, alors que, comme précédemment, aucun anti-ADN n'a été détecté chez les chiens normaux.
Cependant, la recherche d'anticorps anti-ADN sur Crithidia luciliae était toujours négative.
Bien sûr, et les auteurs ne le cachent nullement, il s'agit d'un travail préliminaire où les biais ne manquent pas : l'environnement était différent pour les animaux témoins et les chiens des patients lupiques, ces deux groupes n'ayant été en outre appariés ni pour le sexe ni pour l'âge.
De plus, l'existence d'auto-anticorps chez les chiens de sujets lupiques pourraît être attribuée, selon certains, à la présence d'une bêtaglobuline sérique liant l'ADN. Néanmoins, cette possibilité a, semble-t-il, pu être exclue par les auteurs.
Un facteur environnemental ou transmissible en cause ?
Enfin, il faut ajouter que d'autres équipes n'ont pas trouvé d'anomalies immunologiques chez des chiens appartenant à des patients lupiques non plus que, à l'inverse, chez des sujets vivant au contact de chien lupiques.
La difficulté du diagnostic du lupus canin est à cet égard, soulignée par D.R.E. Jones et coll. et il faut également rappeler la négativité du test réalisé sur Crithidia luciliae.
Quoi qu'il en soit, le résultat de ce travail est suffisamment troublant pour suggérer le rôle d'un facteur environnemental ou transmissible dans la constitution d'une maladie lupique. Reste à confirmer les faits et à mettre en évidence ces fameux facteurs...
Didier Alcaix
Jones D.R.E. et coll. : "Autoantibodies in pet dogs owned by patients with systemic lupus erythematosus". Lancet, 1992 ; 339 : 1378-1380.
Tirés à part : Dr D.R.E. Jones, Department of Immunology, Queen's Medical Center University Hospital, Nottingham NG 7 DE UH - Grande-Bretagne.
ALCAIX DIDIER