META-ANALYSE CONTRE MICRO-METASTASES

Méta-analyse contre micro-métastases

Dans les cancers du sein de stade précoce, la chirurgie suffit, par définition, à enlever la totalité de la tumeur visible. Mais pour détruire les micro-métastases déjà essaimées, il est devenu courant d'instaurer dans les suites immédiates de l'intervention un traitement systémique adjuvant, qui fait le plus souvent appel soit au tamoxifène, soit à une chimiothérapie. On sait déjà que ces traitements adjuvants augmentent, légèrement mais significativement, le taux de survie à cinq ans. Une méta-analyse de toutes les études randomisées débutées avant 1985 a révélé que les effets bénéfiques de ces traitements adjuvants, loin de s'estomper avec le temps, sont encore plus nets après dix ans. Fruit d'une collaboration mondiale, ce travail a fourni pour la première fois des résultats exhaustifs qui ont permis de préciser les indications du traitement et de juger la valeur de chaque protocole.

L'analyse a permis la synthèse des résultats de 133 essais, totalisant 75 000 femmes, soit 90 % de l'ensemble des patientes incluses. Trente mille de ces femmes ont participé à une étude sur le tamoxifène, 11000 à une étude sur la polychimiothérapie, 3 000 avaient été incluses dans un essai de suppression de la fonction ovarienne et
6 000 dans une étude sur l'immunothérapie. Au total, 24 000 patientes sont décédées (32 %) et 7 500 (10 %) ont présenté une ou plusieurs récidives.

Les taux de survie dix ans après l'ablation chirurgicale de la tumeur ont montré que le traitement adjuvant a permis d'éviter une douzaine de décès pour cent patientes ayant un cancer de stade 2 (avec métastases ganglionnaires). Pour les cancers de stade 1 (sans envahissement ganglionnaire), un même nombre de vies ont été sauvées pour deux cents femmes traitées. Cet effet favorable a été attribué pour un tiers à la polychimiothérapie et pour les deux tiers restants au traitement à visée hormonale (tamoxifène ou, pour les femmes les plus jeunes, suppression de la fonction ovarienne).

Le tamoxifène, prescrit pendant une durée moyenne de deux ans, a diminué de 25 % le taux annuel de mortalité, de 17 % celui des récidives et de 39 % le risque de récidives controlatérales. Ses effets favorables se sont manifestés dans toutes les tranches d'âge après 50 ans, aussi bien chez les femmes ménopausées que non ménopausées, dans les cancers de stade 1 comme de stade 2 et, curieusement, que les tumeurs possèdent ou non des récepteurs des estrogènes. Pour les femmes de moins de 50 ans, la réduction du taux de récidives a été moins nette et celle de la mortalité non significative. En revanche, pour ces patientes le même bénéfice a été mis en évidence avec la polychimiothérapie et la castration, que cette dernière ait été chimique ou chirurgicale.

La suppression de la fonction ovarienne a diminué de 26 % le taux annuel de récidives et de 25 % celui de la mortalité chez les femmes de moins de 50 ans, mais n'a pas montré d'effet significatif après cet âge. La polychimiothérapie (prescrite pendant en moyenne un an) s'est révélée efficace chez les plus jeunes comme chez les plus âgées, diminuant de 28 % le taux annuel de récidives et de 16 % celui de la mortalité. L'immunothérapie, que ce soit par BCG, lévamisole ou d'autres produits, n'a montré aucun effet statistiquement significatif.

Pour ce qui est des modalités d'administration, des comparaisons, directes ou indirectes, ont montré que la polychimiothérapie était significativement plus bénéfique qu'une monochimiothérapie, mais que les traitements longs (un an) ne sont pas d'efficacité supérieure aux traitements courts (six mois). Au contraire, pour le tamoxifène, les traitements de longue durée (deux à cinq ans) se sont révélés être significativement plus efficaces que des cures plus courtes.

Environ 40 % des cancers du sein touchent des femmes de plus de soixante-dix ans. Le tamoxifène a été aussi efficace à cet âge que chez les femmes plus jeunes. En revanche, l'intérêt de la chimiothérapie n'a pas été évalué chez ces patientes. Entre 50 et 69 ans, I'association d'une chimiothérapie et du tamoxifène a réduit davantage les taux de mortalité et de récidives que la chimiothérapie seule et les taux de récidives que le tamoxifène seul. Enfin, l'association chimiothérapie et ovariectomie chez les femmes de moins de cinquante ans pourrait avoir des effets encore plus favorables.

En pratique

A partir de ces données, on peut schématiser facilement les indications du traitement adjuvant, en gardant à l'esprit que plus le risque de récidives est faible, plus le bénéfice du traitement adjuvant sera statistiquement faible et plus ses réactions indésirables seront proportionnellement importantes. Ainsi, une femme jeune ayant un cancer de mauvais pronostic en raison d'un envahissement ganglionnaire ou de caractéristiques cellulaires défavorables pourra bénéficier d'au moins cinq cycles de polychimiothérapie ou d'un traitement suppresseur de la fonction ovarienne, tandis que, pour une patiente de même âge ayant un cancer de bon pronostic, il sera préférable d'éviter les effets secondaires de ces traitements. Pour la femme ménopausée, l'hormonothérapie apparaît très efficace et peu toxique. Il est logique d'envisager dans ce cas un traitement par le tamoxifène, même lorsque le cancer est de bon pronostic et que la tumeur est dépourvue de récepteurs des estrogènes

Chantal Guéniot

Early Breast Cancer Trialists' Collaborative Group : " Systemic treatment of early breast cancer by hormonal, cytotoxic or immune th

GUENIOT CHANTAL

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