En 1894, dans une thèse dirigée par E. Devic, le Lyonnais F. Gault décrivait chez 16 patients, la maladie qui allait porter le nom de son maître : la neuromyélite optique de Devic (NMOD). Comme son nom l'indique, elle associe une atteinte uni ou bilatérale du nerf optique à celle de la moelle épinière, deux sites électivement touchés au cours de la sclérose en plaques (SEP). Aussi, un lien de parenté, voire d'identité, a-t-il souvent été discuté entre les deux maladies.
Les lésions de la NMOD se développent en effet de façon brutale ou subaiguë, simultanément ou successivement, séparées alors par un delai qui peut atteindre plusieurs années.
Ce mode évolutif, dit secondairement progressif, est celui de 30% des SEP : il ne permet donc pas de différencier les deux entités nosologiques. R.N. Mandler et coll. ont étudié 8 sujets, avec des moyens dont le neurologue lyonnais ne disposait guère un siècle plus tôt : imagerie par résonance magnétique (IRM) et étude immunochimique du liquide céphalo-rachidien (LCR).
A chacun son problème...
La diversification ethnique de la population étudiée, qui comprenait des Hispano-Américains et un Noir, rejoignait celle des cas de la littérature et s'opposait à la prédominance nord-européenne habituelle de la SEP. Les deux maladies semblent donc survenir dans un contexte ethno-génétique différent.
En IRM, aucune des lésions de la substance blanche cérébrale qui se développent presque constamment au cours de la SEP, n'a été retrouvée. C'est donc la confirmation du caractère strictement bipolaire de la NMOD. En revanche, l'IRM met en évidence in vivo des aspects autrefois inaccessibles de l'atteinte médullaire, comme l'existence d'un gonflement et d'une cavitation parfois extensive de la moelle. De plus, dans le LCR des patients atteints de NMOD, l'élévation de la protéinorachie résulte d'une rupture de la barrière hémato-névraxique, attestée par l'augmentation du rapport albuminémie / albuminorachie. En revanche, l'hypersecrétion intra-thécale d'immunoglobulines oligoclonales, si fortement évocatrice de SEP n'était retrouvée dans cette étude que chez un seul sujet, de façon faible et transitoire.
Anatomopathologie :
le mot de la fin
L'absence totale d'impact des diverses modalités de traitement immunosuppresseur confirme la faible part d'un éventuel dysfonctionnement immunitaire aigu au cours de la NMOD. Du fait du désert thérapeutique face à cette affection, c'est finalement la méthode anatomoclinique traditionnelle qui a eu le dernier mot, chez 5 des 8 patients, venant ainsi à l'appui d'une pathogenèse non immunitaire, puisque l'infiltration lymphocytaire manque, tandis que les lésions nécrotiques dominent, et l'épaississement de l'endothélium vasculaire contraste avec le collapsus luminal. Mandler et coll. interprètent cet aspect particulier comme étant la conséquence d'un œdème compressif appliqué à la structure non extensive de la membrane pie-mérienne.

Leurs conclusions rejoignent donc celles de l'école neurologique lyonnaise du siècle dernier : SEP et NMOD constituent bien deux entités nosologiques différentes (Tableau I)
Mandler R.N. et coll. : "Devic's neuromyelitis optica : a clinico-pathological study of 8 patients". Ann. Neurol., 1993 ; 34 : 162-168.
Christian Meyrignac