CANCER SUR RCH : UN RISQUE SUREVALUE ?

Le risque de cancer colorectal semble d'autant plus augmenté chez les malades ayant une rectocolite ulcéro-hémorragique (RCUH), que la maladie a débuté tôt dans la vie et évolue depuis longtemps (plus de 20 ans), et que l'atteinte colique est étendue. Le diagnostic du cancer est souvent difficile à établir, et les moyens à mettre en œuvre toujours discutés. Le travail de E. Langholz et son équipe a porté sur un grand nombre de malades (1161) ayant une RCUH, suivis pendant 11,7 ans en moyenne (extrèmes : 0-26 ans). Tous ces sujets étaient issus d'un même région et le suivi est irréprochable, puisque seulement un malade a été perdu de vue pendant l'étude.

Un risque de cancer comparable à celui de la population générale

La topographie de l'atteinte intestinale était recto-sigmoïdienne dans 45% des cas, dépassait l'angle gauche chez 36% des patients, et était pancolique chez 20% des sujets. Une surmortalité par rapport à la population générale a été observée durant la première année de la maladie, liée à la sévérité des symptômes et à l'existence d'une pancolite. Au total, 20,2% des malades ont été colectomisés, parmi lesquels 9% au cours de la première année. Six patients ont eu un cancer colorectal 11,5 ans en moyenne (5-22 ans) après le début de la RCUH. Dans un cas, le cancer est survenu sur un segment digestif non atteint par la RCUH, ce qui pouvait faire discuter son origine sporadique. Au total, le risque de survenue d'un cancer au cours de la vie chez les malades atteints de RCUH était comparable à celui de la population générale (3,5% et 3,7%, respectivement).

Pour expliquer ces résultats encourageants, les auteurs invoquent la possibilité de biais faussant les études antérieures. Comme leur réalisation dans des centres de référence recrutant des patients ayant une atteinte plus sévère ; l'ancienneté des séries pour lesquelles le traitement médical était moins optimal ; le rôle de l'administration des dérivés salicylés (5-ASA), en tenant compte de la récente mise en évidence du rôle bénéfique de l'aspirine sur la mortalité des malades atteints de cancer colo-rectal (M.J. Thun et coll, N. Engl. J. Med., 1991 ; 325 : 1593-1596).

Langholz et son équipe remarquent également que 20,2% des malades ont subi une colectomie, pour la plupart au cours des 15 premières années de la maladie ; et celle-ci a joué un rôle préventif dans l'apparition d'un cancer chez des sujets ayant fréquemment une RCUH étendue. Cette étude semble donc indiquer que le risque d'apparition d'un cancer au cours de la RCUH est plus faible que ce qui était couramment admis.

Un risque de 3% à 15 ans et de 9% après 25 ans

Ces résultats corroborent ceux d'une étude de J.E. Lennard-Jones et son équipe (Gut 1990 ; 31 : 800-806), effectuée dans un centre de référence, qui rapportait un risque d'évolution de la RCH de 3% à 15 ans et de 9% après 25 ans. Eu égard à ce faible taux de cancérisation, les modalités de surveillance des malades atteints de RCUH devraient être adaptées en tenant compte du rapport coût-bénéfice du dépistage. Comme le proposait J.F. Fléjou à la Société française gastro-entérologie (Paris, 1991), il est nécessaire d'uniformiser les critères permettant d'identifier les malades à haut risque de cancer et les inclure dans des programmes de surveillance adaptés, de standardiser la terminologie endoscopique et anatomo-pathologique, et d'évaluer l'apport des techniques nouvelles (cytométrie en flux, étude des anomalies d'oncogènes et anti-oncogènes...), en gardant à l'esprit que celles-ci ne peuvent être mises en œuvre que dans les centres spécialisés.

Pascal Hammel

Références
Langholz E. et coll. : "Colorectal cancer risk and mortality in patients with ulcerative colitis". Gastroenterology, 1992 ; 103 : 1444-1451.

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