CES MYSTERIEUSES THROMBOSES DE LA GROSSESSE

L'identification d'anomalies de l'hémostase chez certaines femmes peut permettre la prise de décisions rationnelles à propos des méthodes de contraception et de la prophylaxie à long terme des thromboses veineuses. Des progrès ont été faits dans la compréhension des mécanismes de contrôle de la coagulation. Ces progrès, en relation avec la détection d'anomalies entraînant des thromboses récurrentes, sont passés en revue dans un article de B.M. Alving et coll., ainsi que les effets de la grossesse et des contraceptifs oraux sur les inhibiteurs de la coagulation et l'utilisation d'un traitement anticoagulant approprié dans la prévention des thromboses récurrentes.

Les déficits en inhibiteurs de la coagulation

Il en existe deux sortes :

- les inhibiteurs utilisés à titre thérapeutique : les antivitamines K comme la warfarine, et l'héparine.

- les inhibiteurs naturels : leur carence provoque une prédiposition aux thromboses veineuses profondes. Ce sont l'antithrombine III (activée par 1'héparan présent à la surface des cellules endothéliales) et les protéines C et S, toutes deux dépendantes de la vitamine K ;

La protéine C, activée en présence de thrombine et de thrombomoduline, se combine à la protéine S libre pour inhiber les facteurs Va et VIIIa. (40% de la protéine S est libre et active ; 60% est combinée au C4b et inactive; la C4b est une protéine dont le taux augmente lors des infections aiguës et fixe davantage de protéine S, diminuant ainsi la disponibilité de la protéine S libre).

Les déficits en antithrombine III ainsi qu'en protéine C et S sont des maladies génétiques autosomiques dominantes qui ont des manifestations cliniques similaires : les patients ont une incidence élevée de thromboses veineuses profondes et donc des risques d'embolie pulmonaire. Des thrombophlébites superficielles sont observées uniquement lors des déficits en protéine C et S. Parmi les patients qui présentent des thromboses veineuses profondes avant l'âge de 40 ans, 5 à 10% ont un déficit en protéine S, 7% en protéine C et 3% en antithrombine III. Par ailleurs, 3% présentent une carence en plasminogène ou bien ont un fibrinogène anormal.

Pathologies prédisposantes

Des maladies acquises peuvent aussi prédisposer aux thromboses :

- ainsi, des troubles de la fibrinolyse sont observés après des actes chirurgicaux ou une infection, en rapport avec une augmentation importante de la concentration de l'inhibiteur de l'activateur du plasminogène ;

- les sujets atteints d'adénocarcinome sont également prédisposés à des épisodes de thrombophlébites multiples ; les mécanismes en sont divers ;

- il existe par ailleurs un anticoagulant du lupus, et donc thrombogène. Le diagnostic est fait sur 1'augmentation du temps de céphaline activé. Il est dû à une immunoglobuline IgG ou IgM dirigée contre les phospholipides chargés négativement. L'association entre l'anticoagulant lupique et les thromboses est largement basée sur des études rétrospectives.

Il a, d'autre part, été possible de montrer que la concentration plasmatique de protéines S diminue de 40 à 50% dès le début de la grossesse jusqu'à quelques jours après le postpartum. L'activité fibrinolytique baisse également au cours de la grossesse. La prédisposition aux thromboses veineuses et à l'embolie pulmonaire associée à la gravidité peut donc résulter de ce mécanisme.

Par ailleurs, les contraceptifs oraux diminuent d'environ 20% les taux de protéine S libre et totale. Cette diminution, probablement sans incidence chez les femmes normales, peut être cliniquement significative chez les sujets présentant un déficit congénital en protéine S (et davantage encore si ces patientes sont fumeuses), ce qui confirme ce que l'on savait déjà, à savoir qu'une femme ayant des antécédents de thrombose veineuse ne doit pas recevoir de contraceptifs oraux.

Traitement des thromboses chez la femme enceinte

Conséquence pratique de la connaissance de ce mécanisme : en cas de survenue d'une thrombose veineuse chez une femme sous contraceptifs oraux, une mesure des taux d'antithrombine III, de protéine C et S ainsi que du temps de céphaline activé doit être effectuée ; la normalité de ces résultats orientera vers une anomalie du plasminogène et du fibrinogène.

L'existence de thromboses veineuses profondes pendant la grossesse pose un problème thérapeutique particulier. Le traitement le plus approprié est l'héparine par voie intra-veineuse pendant 5 à 7 jours suivie par 1'héparinothérapie en sous-cutanée. La warfarine ne doit pas être utilisée. L'héparine devra être arrêtée avant la naissance et réinstituée rapidement après.

Chez les femmes ayant présenté une thrombose veineuse profonde au cours d'une première grossesse, l'utilisation systématique de l'héparine en traitement préventif est controversée.

Nicole Triadou

Alving B.M. et coll. : "Recent advances in understanding clotting and evaluating patients with recurrent thrombosis". Am. J. Obstet. Gynecol., 1992 ; 167 : 1184-1191.

TRIADOU NICOLE

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