La polypose adénomateuse familiale est une maladie héréditaire à transmission autosomale dominante. Sa fréquence dans la population est estimée à un cas pour 10 000 naissances. Cette pathologie s'exprime par le développement, aux alentours de la puberté, de multiples polypes adénomateux rectocoliques, évoluant inéluctablement vers un cancer en une dizaine d'années.
Son dépistage repose avant tout sur la pratique annuelle d'une coloscopie. L'existence de signes extra-digestifs (lésions pigmentaires de la rétine, ostéo-condensations au niveau de la mandibule ou des os du crâne) ne survient que dans 2/3 des familles atteintes, et ne précède pas toujours les signes digestifs. Pour ces raisons, la recherche d'une technique permettant un diagnostic présymptomatique de cette maladie est fondamentale.
Le gène de la maladie dévoilé
L'utilisation des marqueurs du polymorphisme du génome humain a permis de localiser de façon précise l'origine génétique de la polypose adénomateuse familiale. Le gène responsable, appelé APC (Adenomatous polyposis coli), est situé sur le chromosome 5, en 5q21, et a pu récemment être isolé. Ce gène semble systématiquement impliqué en cas de polypose adénomateuse familiale. L'ensemble de ces éléments de découverte récente ouvre donc la voie à la possibilité d'un diagnostic précoce, présymptomatique, de la maladie.
Ainsi, dans une récente étude effectuée par S. Olchswang et coll., le typage génétique de 2 familles atteintes de cette pathologie, réalisé grâce à 8 sondes de polymorphisme, situées de part et d'autre du gène, a fourni une information suffisante pour orienter l'attitude pratique des cliniciens dans la surveillance de la descendance des malades.
En pratique, le génotype des différents membres de ces 2 familles a été déterminé, et un allèle commun à tous les sujets atteints a été recherché. Une reconstruction de la succession la plus probable des différents allèles (haplotype) le long de chaque chromosome 5 a ensuite été réalisée. Les haplotypes peuvent en effet se modifier au fil des générations, lors de la survenue d'une recombinaison au cours de la meiose. Un telle recombinaison consiste en un échange réciproque de matériel génétique entre 2 chromosomes homologues. Dans les familles étudiées, une recombinaison meiotique survenue chez l'un des parents apparaît de la façon suivante : sur l'haplotype, les groupes d'allèles situés de chaque côté du point d'échange ne sont pas sur le même chromosome chez le parent concerné.
La reconstruction de l'haplotype, effectuée à l'aide d'un programme informatique, est basée sur la carte génétique de la région APC, qui donne la position relative des différents loci et la distance génétique qui lie entre elles chaque paire de loci adjacents. Cette distance génétique reflète la fréquence des recombinaisons lors de la gamétogenèse. L'unité de distance génétique, appelée centimorgan, correspond à la portion de chromosome entre 2 loci sur laquelle se produit statistiquement une recombinaison pour 100 meioses.
Bien que les calculs soient d'autant plus précis que la famille est nombreuse, en utilisant cette technique, une information génétique précise est théoriquement accessible, même pour les familles de taille réduite. Surtout, cette méthode ne nécessite aucune information clinique concernant le sujet dont on cherche à estimer le risque d'atteinte. Elle est donc appropriée pour faire le diagnostic présymptomatique d'une maladie génétique.
Christophe Gaudin