Il est indéniable que certains accidents sportifs sont susceptibles d'entraîner des lésions arthrosiques : traumatismes aigus et microtraumatismes répétés, méniscectomie avec rupture du ligament croisé antérieur, fracture articulaire et juxta-articulaire. Mais de nombreux facteurs associés entrent aussi en ligne de compte. Ainsi, l'obésité constitue un facteur de risque à part entière d'atteinte arthrosique des genoux ou des pieds.
A cet égard, la Framingham osteoarthritis study avait pu montrer qu'il existait bel et bien une association longitudinale entre l'obésité et la gonarthrose, le poids des sujets inclus dans l'étude de 1948 à 1951 permettant de "prédire" la survenue d'une arthrose du genou 36 ans plus tard (1983 à 1985).
Certaines causes biomécaniques interviennent également telles qu'un malalignement des genoux, une dysplasie de hanche, une immobilisation prolongée, mais aussi l'exercice sur un revêtement dur comme le ciment ou l'asphalte.
De plus, le type de la pratique sportive joue aussi un rôle notable (niveau de participation, compétition, entraînement, pratique de sports de contact).
Enfin, il est possible, mais non vérifié, que l'activité sportive intensive, exercée dès le plus jeune âge, puisse augmenter le risque ultérieur d'arthrose.
La fin d'un mythe ?
Mais à l'inverse, l'exercice physique pourrait-il être considéré comme un traitement de l'arthrose ? Peut-être bien.
Le dogme de la non réparation du cartilage au cours de l'arthrose s'est en effet révélé faux. Les chondrocytes peuvent proliférer et l'activité du cartilage augmenter. L'arthropathie peut aussi se stabiliser spontanément, voire régresser et il est maintenant démontré que l'exercice, et notamment la marche, stimule les chondrocytes.
Ainsi, si la course à pied a été incriminée, au même titre que les autre sports, comme cause directe d'arthrose, aucune étude n'a permis de mettre en évidence une relation directe entre cette pratique sportive et la dégénérescence du cartilage.
Une enquête effectuée à Stanford pendant 5 ans a même montré que les adeptes de la course à pied étaient moins malades et consultaient moins que les sujets plus sédentaires.
Le sport réhabilité
Pour essayer de conforter l'hypothèse d'un effet bénéfique du sport dans l'arthrose, P. A. Kovar et coll. ont suivi, dans le cadre d'une étude randomisée et contrôlée, 102 patients ayant une gonarthrose uni ou bilatérale.
Ils ont proposé à la moitié d'entre eux un programme d'exercices comportant des étirements et surtout jusqu'à 30 minutes de marche à raison de 3 sessions par semaine pendant 8 semaines. Chaque réunion qui durait 90 mn prodiguait également au patient des informations sur son affection ainsi que des conseils sportifs et des encouragements.
Dans le groupe contrôle, les patients étaient simplement contactés par téléphone 3 fois par semaine par le coordinateur de l'étude qui les interrogeait sur la nature de leurs activités quotidiennes.
Les patients ont été évalués avant et après le programme choisi au moyen d'une épreuve de marche de 6 minutes en terrain non accidenté (couloir d'hôpital) et de plusieurs sous-échelles issues de l'Arthritis Impact Measurement Scale (AIMS).
Au terme de l'étude, les patients inclus dans le programme sportif avaient une distance de marche augmentée ( + 70 mètres soit une amélioration de18,4 %) alors que les autres avaient une diminution de leur périmètre de marche (- 17 mètres) (p < 0,001). Une amélioration de la fonction articulaire de 39 % a aussi été constatée chez les "sportifs" mais non dans le groupe témoin (p < 0,001).
De plus, bien que l'état de santé général ait été similaire dans les deux groupes, une diminution des douleurs articulaires de 27 % (p = 0,003) et un recours moins fréquent aux médicaments ont également été notés chez les patients ayant bénéficié du programme sportif.
Ces résultats qui doivent être complétés par une surveillance au long cours pourraient donc faire entrer le sport, et notamment les exercices physiques en charge et le maintien d'un tonus musculaire satisfaisant, dans la liste des traitements anti-arthrosiques. La lutte contre une obésité éventuelle, le respect de périodes de repos 2 à 4 fois par jour et le glaçage après l'effort, si celui-ci entraîne une inflammation ne doivent pas non plus être négligés.
Philippe Brissaud
Felson D.T. et coll. : "Obesity and knee osteoarthritis : the Framingham Study". Ann. Intern. Med., 1988 ; 109 : 18-24.
Kovar P. A. et coll. : "Supervised fitness walking in patients with osteoarthritis of the knee". Ann. Intern. Med., 1992 ; 116 : 529-534.
Felson D.T. et coll. : "Weight loss reduces the risk for symptomatic knee osteoarthritis in women." Ann. Inten. Med., 1992 ; 116 : 535-539.
McKeag D.B : "The relationship of osteoarthritis and exercise". Clin. Sports Med., 1992 ; 11 : 471-487.
BRISSAUD PHILIPPE