Bien qu'il soit parfois difficile de faire la distinction entre une primo-infection herpétique (PIH) et une récurrence floride, le risque d'atteinte ftale est complètement différent selon que la mère souffre d'une PIH ou d'une récurrence herpétique.
Quand il s'agit d'une primo-infection, quel que soit son site, elle est toujours grave pour le ftus car il existe une virémie sans anticorps neutralisants et l'excrétion virale dure de 2 à 3 semaines.
L'attitude pratique dépend alors du stade de la grossesse. Dans les 3 à 4 premiers mois, on est confronté à un risque de mort ftale ou d'embryopathie. L'IVG est recommandée mais l'administration d'aciclovir par voie IV peut néanmoins être proposée comme alternative. Entre le 4e et le 7e mois, le risque de mort ftale impose un traitement par aciclovir IV. Du 7e au 9e mois, il existe à la fois un risque de mort ftale et un risque d'herpès néonatal. La césarienne doit être pratiquée et suivie d'une surveillance stricte du nouveau-né, l'administration d'aciclovir IV devant être commencée au moindre doute. Lors de la délivrance, on encourt un risque important d'herpès néonatal (50 à 75 % des cas). La césarienne doit donc être pratiquée au plus tard dans les 4 à 6 heures suivant la rupture de la poche des eaux (RPE) et l'aciclovir administré au moindre doute d'infection de l'enfant.
S'il s'agit d'une récurrence...
C'est en pratique la situation la plus fréquente. Elle ne pose aucun problème sauf si elle survient lors de la délivrance ou lors de la semaine qui la précède. En effet, seules 1 à 2,4 % des femmes ayant des antécédents d'herpès génital récurrent (même lorsque les poussées surviennent au cours de la grossesse) présentent une excrétion virale au niveau de la filière génitale lors de l'accouchement. Le risque d'herpès néonatal est alors d'environ 3 à 5 %, que la récurrence génitale soit symptomatique ou asymptomatique. Il convient, dans ces circonstances, de pratiquer une césarienne moins de 4 à 6 heures après la RPE et de surveiller le nouveau-né, la prescription d'aciclovir n'étant pas systématiquement justifiée mais plutôt adaptée à l'évolution.
L'herpès néonatal
La prévention de l'herpès néonatal (HNN) est extrêmement difficile car 78 % des HNN surviennent chez les enfants de femmes n'ayant aucun antécédent connu d'herpès génital. Il faudrait donc surveiller toutes les femmes enceintes ! Le risque majeur se rencontre chez le prématuré (40 % des HNN surviennent avant la 37e semaine) et, en théorie, la surveillance devrait s'imposer à partir du 7e mois de grossesse, consistant en une culture hebdomadaire avec césarienne à terme si l'une des cultures est positive. Cette attitude est très critiquable, car excréter du virus au 7e mois ne signifie pas qu'il y aura toujours excrétion virale lors de l'accouchement. Elle est par ailleurs irréaliste en terme de rapport coût/bénéfice : elle éviterait certes des décès et des atteintes neurologiques ftales, mais elle serait à l'origine de décès maternels par césarienne et d'un nombre important de césariennes inutiles. Si l'on suivait ces directives, le coût par herpès néonatal évité serait de 1,8 millions de dollars !
Que faire en pratique ?
Un examen clinique génital de toutes les femmes dès le début du travail est nécessaire et, s'il existe une suspicion clinique d'infection herpétique et que la RPE est inférieure à 6 heures, il faut poser l'indication d'une césarienne. Cela n'élimine néanmoins pas tous les risques puisque 70 à 90 % des HNN atteignent des enfants de femmes asymptomatiques au moment de l'accouchement. Mais, dans ce cas, le danger reste faible, estimé à 0,06 % si la mère a une poussée asymptomatique au moment de l'accouchement.
Il faut donc dédramatiser la situation qui n'est vraiment grave qu'en cas de PIH et rappeler qu'en cas de récurrence au moment de l'accouchement le risque d'HNN n'est que d'environ 3 %.
Robert Thil
Morel P. : "Actualités sur les MST". Journées dermatologiques de Paris, 18 au 21 Mars 1992.
THIL ROBERT