Le nom de Roy Meadow restera probablement attaché au syndrome de Münchhausen par procuration. Il s'agit d'une situation assimilée à la maltraitance infantile dans laquelle la mère simule, voire provoque chez son enfant une pathologie organique plus ou moins élaborée, afin d'attirer inconsciemment l'attention sur elle-même.
Parmi les 300 cas de syndrome de Münchhausen par procuration colligés par R. Meadow en 14 ans, 15 enfants (8 filles et 7 garçons) issus de 7 familles différentes ont relevé de fausses allégations d'abus sexuels.
Dans cinq familles, la simulation de maltraitance sexuelle était associée à une simulation organique. Dans une autre, les deux étaient associées, mais chez des enfants différents. "L'organicité", alors présentée, était variable : hématurie (3 cas), convulsions, apnée (4 cas).
Le plus souvent (11 fois sur 14), c'est la découverte du caractère factice de la "maltraitance" simulée qui a attiré l'attention sur celle de la pathologie organique, l'inverse ne s'étant réalisé que dans un cas.
De jeunes victimes
L'âge de ces enfants oscillait entre 3 et 9 ans, et la durée des fausses allégations a varié de quelques mois à 4 ans. Les prétendus responsables d'abus se trouvaient le plus souvent être des hommes ne vivant pas au domicile et sans lien de parenté avec la victime supposée (n = 13), parfois des enfants plus âgés du voisinage (n = 3), des maris séparés ou d'anciens concubins (n = 4), enfin le propre mari vivant au domicile (n = 1).
Les faux signalements ont été effectués, soit auprès des services sociaux, avec parfois utilisation des lignes d'appels spécifiques (numéro verts), soit auprès d'enseignants, de médecins ou de policiers, enfin par lettres anonymes. Il a été formellement prouvé dans 6 cas que l'enfant avait été entraîné par sa mère dans le but de raconter ces allégations, et des enregistrements sonores ont été retrouvés dans deux cas, permettant d'assimiler ce conditionnement à un équivalent de "lavage de cerveau". Chez deux enfants, des lésions périnéales mineures, supposées provoquées par la mère, ont été observées. Chez les mères, la proportion d'antécédents de somatisation était élevée (6/7).
Les conséquences sont graves, à la fois pour l'enfant, qui a souvent subi des investigations et des interrogatoires répétés, parfois un retrait familial, et pour les personnes dénoncées, avec des implications judiciaires inhérentes. Ces fausses déclarations de maltraitance sexuelle sont à distinguer de celles survenant à l'occasion de divorces ou de séparations, beaucoup plus fréquentes (2% dans ce type de conflits aux Etats-Unis).
Ainsi, le syndrome de Meadow se complète par une forme "sociale", où ce sont non seulement médecins généralistes, pédiatres et gynécologues qui peuvent être induits en erreur, mais aussi psychologues, travailleurs sociaux et milieux judiciaires...
Traiter la mère et l'enfant
Il est important de relever la fréquence des antécédents de troubles inexpliqués, à type de somatisation, chez la mère : une discussion avec le médecin généraliste, orientée vers cette recherche, est systématiquement conseillée par l'auteur pour attirer l'attention.
Il faut donc savoir que les fausses allégations d'abus sexuels peuvent survenir de temps à autre ... et y penser. Il est important de les dépister pour prévenir les dégâts psychosociaux qu'elles entraînent, autant chez l'enfant que dans l'entourage
François Douchain
Meadow R. : "False allegations of abuse and Münchhausen syndrome by proxy". Arch. Dis. Child., 1993 ; 68 : 444-447.
DOUCHAIN FRANCOIS