L'eczéma de contact au vernis à ongle atteint classiquement les paupières, le bas du visage, le cou et le décolleté alors que les régions unguéales sont paradoxalement indemnes. La composition de ces vernis n'a guère changé depuis 50 ans. Pourtant une étude suédoise sur 18 patients suggère que les eczémas deviennent plus fréquents et plus étendus, peut-être simplement à cause d'un emploi plus important.
Le diagnostic est souvent porté avec retard, l'aspect et la distribution des lésions pouvant suggérer une dermite séborrhéique, un eczéma atopique, une urticaire, une rosacée, ou souvent l'hypothétique "dermite des écrans vidéo". On est étonné par le retentissement professionnel de ces dermatoses : 12 patientes sur 17 ont dû arrêter leur travail plusieurs semaines ou mois, 2 d'entre-elles ayant dû être hospitalisées et ayant perdu leur emploi !
L'autre surprise est la fréquence de l'atteinte des mains, qu'elle concerne les régions péri-unguéales (11/18) ou les autres parties (10/18). Ces femmes n'étaient pourtant pas particulièrement exposées professionnellement et n'utilisaient pas de faux ongles en acrylate, cause classique d'eczéma péri-unguéal. Enfin, à côté des localisations habituelles à la tête et au cou, l'extension aux membres était notée dans 5 cas. Une sixième patiente avait un eczéma nummulaire limité aux jambes et dû au stoppage des bas filés avec du vernis.
Allergie à la résine
Les vernis à ongle peuvent contenir du nickel ou de la colophane mais sont essentiellement allergisants par leur résine, qui dans presque tous les produits est la TSA fr (toluène-sulphonamide-formaldéhyde). Chez ces patientes les patch-tests étaient toujours positifs à un ou plusieurs vernis utilisés et leur seule éviction a amené la guérison en quelques semaines. L'allergène était bien TSA fr, positif dans 17 cas sur 18, alors que toutes les malades toléraient un vernis "ROC" sans TSA fr. Dans 4 cas, les tests au formol et quaternium étaient également positifs, par réaction croisée ou sensibilisation associée. Ceux au nickel étaient également souvent positifs, et moins souvent avec la colophane ou les parfums.
L'allergie au vernis à ongle, facile à confirmer par un test au vernis lui-même, doit donc être recherchée plus systématiquement dans les eczémas chroniques, même quand la distribution topographique n'est pas évocatrice.
Liden C. et coll. :"Nail varnish allergy with far reaching consequence". Br. J. Dermatol. , 1993 ; 128 : 57-62.
François Blanc
