LES OBSESIONNELS SONT-ILS LENTS ?

La lenteur obsessionnelle est considérée classiquement comme une sous-catégorie du trouble obsessionnel compulsif. Rachman a décrit en 1974, pour la première fois, un cas de lenteur obsessionnelle qu'il qualifiait de primaire : celui-ci était caractérisé par une méticulosité axée sur l'ordre avec lequel le patient effectuait les tâches quotidiennes (se laver, se brosser les dents, s'habiller...). Cette tendance extrême à l'ordre était a priori sous-tendue par des patterns cognitifs supposant des séquences précises et correctes d'enchaînement des actes. Toute la difficulté était alors de savoir si cette lenteur était un phénomène primaire ou secondaire à des rituels ou des évitements de situations phobogènes.

Rachman la considérait comme primaire parce que ne diminuant pas l'anxiété ou la dysphorie avant et après l'action et il supposait qu'elle n'était qu'une façon de prévenir le développement de l'obsession. Marks avait noté, en 1987, que cette lenteur concernait les activités volontaires et non les actes automatiques.

L'autre question que l'on était à même de se poser concernait son rapport avec la personnalité anakastique et la personnalité obsessionnelle compulsive. David Veale, dans un article récent du British Journal of Psychiatry, fait une revue générale de ce concept tout en critiquant la notion de trouble primaire, et ceci pour plusieurs raisons.

Lenteur calculée

En effet, ce phénomène peut, d'une part, être analysé comme secondaire à un évitement ou à des rituels, notamment l'évitement du désordre, de l'inexactitude. Mais, d'autre part, il est possible que le patient lent ait du mal à exprimer ses idées obsessionnelles ou ses peurs phobiques. Enfin, les ordonnés ou les méticuleux ne sont pas tous lents. Il serait donc plus logique de concevoir la classification de ces troubles rattachés aux phénomènes compulsifs.

D. Veale a donc considéré que ce comportement est secondaire à un certain nombre de mécanismes pathogènes qui doivent être détaillés par une analyse comportementale précise. Ce concept se distingue bien évidemment d'un ralentissement psychomoteur d'origine dépressive ou d'un trouble de l'apprentissage d'une autre étiologie.

Quelle peut être la place de l'évitement dans cette affection ? Une hypothèse est qu'elle préviendrait la survenue d'obsessions, ainsi qu'un sentiment de dysphorie, fréquent chez l'obsédé. Les présupposés de ces sujets seraient qu'une action doit être faite de manière correcte et que si une séquence comportementale était laissée de côté ou effectuée de façon incorrecte, il faudrait recommencer l'ensemble.

Aussi, en effectuant lentement mais sûrement la séquence comportementale on éviterait l'erreur et, ainsi, il n'y aurait pas à vérifier la qualité de l'action.

Il est certain que cette tendance au perfectionnisme, à la rigidité et à la méticulosité sont des traits de la personnalité obsessionnelle définie par le DSM-III-R. La lenteur obsessionnelle ne serait alors qu'une hypertrophie de ces traits de personnalité. L'indécision et la procrastination sont d'ailleurs rapportées dans de nombreux cas.

Toutefois, on peut aussi y voir un rapport avec l'anxiété sociale dans la mesure où cette recherche de perfection peut être liée à la peur du rejet en cas de faute ou d'erreur. La lenteur préviendrait alors l'évitement de cette situation de jugement social. Ce trouble concernerait plus souvent les hommes et l'hypothèse physiopathologique actuelle le rapporte à un dysfontionnement du lobe frontal et des noyaux de la base.

Rachman, en 1974, avait constaté que ces patients présentaient des "soft signs" neurologiques (difficultés à effectuer deux tâches à la fois, distractibilité, difficultés à passer d'une tâche motrice à une autre...). Des études par scanner du cerveau ont parfois retrouvé des lésions bilatérales des noyaux de la base, notamment du globus pallidus. Il serait d'ailleurs intéressant d'étudier sur le plan neuropsychologique la façon dont ces patients conçoivent le temps.

Peut-on alors les rendre rapides ? Les comportementalistes se sont en premier penchés sur cette question. Il s'agissait de limiter le temps accordé pour une tâche donnée en présence du thérapeute. La difficulté était le maintien de cette amélioration en dehors de la séance. Certains associaient des mesures d'exposition au désordre et à l'inexactitude. Mais cet abord thérapeutique était limité par la résistance des ruminations et des rituels couverts. Il fallait donc inciter le sujet perfectionniste à devenir laxiste.

Des mesures cognitives ont également été essayées avec peu de succès, les seules vraiment efficaces étant celles qui utilisaient le pragmatisme de ces sujets, c'est-à-dire se focalisant sur les avantages et désavantages du comportement sur le court terme et long terme.

Enfin, un cas a été traité par antidépresseur sérotoninergique.

Pressons-nous donc pour en savoir plus sur la lenteur obsessionnelle !

 

Veale D. : "Classification ant treatment of obsessonnal slowness". Br. J. Psychiatry, 1993 ; 162 : 198-203.

François Chauchot

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article