CHOLESTEROL ET DEPRESSION QUEL RAPPORT ?

Un article récent publié dans la revue britannique Lancet remet au goût du jour une ancienne polémique, si tant est qu'elle ait jamais disparu des esprits. Selon cette publication, une équipe californienne a révélé une corrélation entre dépression et taux de cholestérol sanguin bas.

Cette constatation a été mise en évidence à l'occasion d'une étude prospective réalisée chez les adultes de Rancho Bernardo.

Carton d'invitation pour une étude

Dans cette série, qui constitue l'un des éléments d'un travail de plus grande ampleur, la Lipid Research Clinic Prevalence Study, les sujets ont été invités à se présenter à une consultation initiale entre 1972 et 1974. En 1984, tous les participants encore vivants qui avaient plus de 40 ans lors de la consultation initiale pouvaient bénéficier d'un suivi destiné au départ à l'évaluation du diabète et des maladies chroniques en général. L'état mental de ces participants a été évalué à l'aide d'une échelle appropriée. Parallèlement, des dosages de cholestérol sérique ont été pratiqués.

Au terme de ce travail, l'existence d'un syndrome dépressif était directement corrélée à l'âge, au nombre de pathologies chroniques et au nombre de traitements associés. Il était en revanche inversement corrélé au taux de cholestérol sanguin et au poids corporel, de telle sorte que chez les plus de 70 ans, une cholestérolémie inférieure à 4,1 mmol/l était associée à un syndrome dépressif.

Une question de métabolisme

Une tentative d'explication proposée par les auteurs concerne le déficit en cholestérol au niveau des membranes cellulaires cérébrales. Cette hypothèse est à rapprocher de celles qui avaient été avancées par M. F. Muldoom et coll. à l'occasion d'une méta-analyse publiée dans le British Medical Journal en 1990 : cet auteur évoquait notamment des modifications neurochimiques directement provoquées par l'abaissement du taux de cholestérol. Il est toutefois nécessaire de garder en mémoire le fait que, pour l'essentiel, le cerveau obtient le cholestérol qui lui est nécessaire, non pas à partir du cholestérol circulant, mais par synthèse endogène.

Ce fait, sans constituer en soi une preuve formelle, bien entendu, rend tout de même peu vraisemblable l'hypothèse selon laquelle l'abaissement du cholestérol sanguin affecte le métabolisme cérébral.

Une autre possibilité évoquée par Muldoom était que la modification du comportement alimentaire ou du mode de vie pouvait provoquer des troubles de l'humeur, du comportement ou des fonctions cognitives constituant un sur-risque (au sens ou les assureurs l'entendent) de décès non coronarien.

Lorsque le taux est trop bas

Une remarque s'impose : dans cette étude californienne, l'existence des signes de dépression est constatée lorsque le taux de cholestérol est très bas, inférieur à 4,1 mmol/l, c'est-à-dire très au-dessus des objectifs habituels du régime et du traitement hypocholestérolémiants, de l'ordre de 5 mmol/l (et cet objectif n'est pas forcément atteint...), traitement à propos duquel les conclusions de l'étude de R. E. Morgan ne sont donc pas nécessairement pertinentes.

Les auteurs, dans leur discussion, rappellent toute la différence entre corrélation statistique et lien de causalité (c'est dire leur prudence). Ils évoquent la possibilité d'une cause commune à l'hypocholestérolémie et au syndrome dépressif chez les personnes âgées, ces deux éléments devenant ainsi des indicateurs et non plus des facteurs de risque. Il pourrait s'agir du statut marital, d'une perte de poids, voire de l'existence d'une pathologie néoplasique.

Une révisionde la méthodologie

En tout état de cause, les informations fournies par le travail de R. E. Morgan et coll. sont très intéressantes et auront vraisemblablement une influence sur les futurs essais cliniques concernant les régimes et médicaments hypolipémiants : l'évaluation de la maladie dépressive devrait devenir une variable prise en compte lors de ces études.

Néanmoins, il ne semble pas qu'elles devraient remettre en cause les fondements du traitement habituel des personnes dont le risque coronarien est accru, le lien épidémiologique entre risque de coronaropathie et cholestérolémie étant clairement établi.

 

Morgan R. E. et coll. : « Plasma cholesterol and depressive symptoms in older men. » Lancet, 1992 ; 341 : 75-79.

Joëlle Chahbenderian

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