EMBOLIE PULMONAIRE

Parmi les 11 grandes séries internationales, toutes rétrospectives, présentées lors du symposium sur les filtres caves*, L.J. Greenfield (Ann Arbor) a rapporté les observations de 469 patients ayant un filtre de type Greenfield 24F ou Greenfield Titanium 12F. Cent quarant-sept de ces patients ont été suivis plus de 12 ans.

Le taux des récidives d'embolie pulmonaire a été compris entre 4 et 6 % et le taux de perméabilité de la veine cave serait de 96 %. Depuis 1989, avec le filtre percutané Greenfield Titanium 12F, cet auteur rapporte un taux de récidive d'embolie pulmonaire de 3 %, un taux de déplacement du filtre supérieur à 10 mm de 11 % et un défaut de placement (bascule du filtre de 30°) dans 5 % des cas.

Dans les autres grandes séries utilisant des filtres dont la conception et la forme sont proches de celles du Greenfield, les taux de récidive d'embolie pulmonaire sont identiques (3 à 4 %). Contrairement à la série de Greenfield, le taux de perméabilité à 4 ans dans la série de D. Crochet (Nantes), qui utilise le filtre LGM sur une population de 142 patients suivis de 2 à 4 ans sans aucun perdu de vue, on retrouve un taux d'obstruction de la veine cave de 25 %, responsable de troubles trophiques importants.

Temporaire ou définitif ?

Pour pallier au risque de complications à distance de ces filtres définitifs (déplacement, obstruction, migration, transfixion pariétale de la veine cave), plusieurs équipes proposent des systèmes d'interruption partielle de la veine cave par des filtres temporaires.

Une session du congrès a été consacrée à ces filtres temporaires dont l'utilisation est presque toujours associée à des procédures de thrombolyse des caillots situés dans les axes veineux fémoro-iliaques et caves. L'efficacité à court terme de la thrombolyse paraît supérieure à celle de l'héparine seule, sur les caillots incomplètement obstructifs. Mais les complications infectieuses (bactériémie 4 à 6 %, C. Thery, Lille) et les complications hémorragiques locales ou générales ne sont pas rares (6 à 12 % selon les auteurs).

La tête du caillot !!!

Le flou persiste sur la durée d'implantation du filtre temporaire (de 3 jours à plus de 5 semaines selon les séries), sur le type de filtre à utiliser (filtre entièrement largué dans la VCI mais difficile à récupérer ou filtre suspendu à son cathéter traversant l'oreillette droite et restant en place pendant plusieurs jours ou semaines), sur le protocole de fibrinolyse (in situ sur la tête du caillot ou perfusée à travers le filtre temporaire en place dans le VCI), et surtout, sur les indications de l'utilisation de ces filtres temporaires. En effet, plusieurs intervenants (H. Decousus, P. Girard, G. Simonneau, B. Charbonnier) ont fait remarquer que, outre l'intérêt toujours discuté des thrombolytiques dans le traitement des TVP, aucune étude publiée ne permettait de justifier clairement une interruption cave pendant la thrombolyse des caillots veineux des membres inférieurs.

Plus aggressives mais intéressantes sont les nouvelles méthodes de radiologie interventionnelle proposant la thrombolyse mécanique des caillots dans les TVP des grands axes veineux, mais également dans les artères pulmonaires en cas d'embolie, technique utilisée avant ou simultanément aux fibrinolytiques. Ces méthodes endovasculaires, encore quasi expérimentales, pourraient se coupler à l'utilisation de l'échographie endovasculaire et même de l'angioscopie comme moyen diagnostique et comme moyen d'évaluation avant et après thrombolyse mécanique des caillots. Moins aggressifs et séduisants sont les nouveaux modèles de filtres caves de forme géométrique spiroïde, atraumatiques pour la veine cave. Leur évaluation clinique est actuellement en cours.

Une session scientifique a été consacrée aux études in vitro sur bancs hydrodynamiques des différents filtres caves : modèles classiques, coniques, autocentrants ne déformant pas la lumière veineuse, et nouveaux modèles modifiant la forme de la veine cave. Des mesures du "pouvoir de captation" de ces différents filtres, les phénomènes de turbulences à leurs alentours, ont été étudiés afin de chercher des causes physiques et hémodynamiques aux thromboses retrouvées in situ des filtres caves.

EP = 10 000 morts par an
en France

Mais ce qui ressort de l'ensemble des travaux présentés (matériels et études rétrospectives), c'est l'absolue nécessité d'identifier par des études prospectives randomisées, les bonnes indications d'interruption cave (en dehors des indications reconnues que sont les contre-indications aux anti-coagulants ou leur inefficacité contrôlées), et les "bons" filtres. L'étude PREPIC (Prévention du Risque d'Embolie Pulmonaire par Interruption Cave) comparant l'efficacité du traitement anti-coagulant seul au traitement anti-coagulant associé à un filtre cave est actuellement en cours.

Elle devrait permettre d'apporter des éléments de réponse à la question : quels sont les bénéfices et les risques réels de l'interruption cave dans le traitement d'une maladie qui tue encore plus de 10 000 patients par an en France ?

*Le premier symposium international sur les filtres caves s'est déroulé au Futuroscope de Poitiers les 9 et 10 octobre derniers. Il a réuni plus de 560 participants venus de France, de 7 autres pays d'Europe, des Etats-Unis, mais aussi du Japon. Soixante communications et 22 posters ont été présentés et discutés.

 

D'après les communications du premier symposium international sur les filtres caves, Poitiers, 9-10 octobre 1992.

Alain Dibie

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