
Le traitement de première intention du diabète de type 2 a été l’objet de deux recommandations récentes, l’une résumant la position conjointe de l’American Diabetes Association et de l’European Association for the Study of Diabetes et l’autre publiée il y a quelques jours, présentant celle de la Haute Autorité de Santé (HAS).
Toutes deux préconisent, sauf contre-indications, la metformine comme traitement pharmacologique de première ligne.
Dans ce contexte, les résultats de l’étude ADOPT (pour A Diabetes Outcome Progression Trial) étaient spécialement attendus car il s’agit de l’essai comparatif d’envergure le plus récent sur le sujet.
Quatre mille trois cents soixante diabétiques de type 2 ont été inclus dans cette étude internationale multicentrique randomisée en double aveugle. Pour être admis dans l’essai, les patients devaient avoir une glycémie à jeun entre 1,26 et 1,8 g/l, ne jamais avoir reçu de traitements médicamenteux pour leur diabète et ne présenter aucune contre-indication aux 3 antidiabétiques oraux (ADO) devant être évalués.
Les malades ont été randomisés entre une thiazolidinédione, la rosiglitazone, la metformine ou un sulfamide hypoglycémiant à longue durée d’action, le glyburide.
Le critère principal de jugement était le délai d’apparition d’un échec de la monothérapie, celui-ci étant défini, a priori, par une glycémie à jeun supérieure à 1,80 g/l.
Une supériorité de la rosiglitazone sur le contrôle glycémique
Sur ce critère, chez les patients ayant achevé l’étude, la rosiglitazone s’est révélée supérieure aux deux autres ADO avec un taux d’échec estimé à 5 ans par la méthode de Kaplan-Meier de 15 % dans le groupe rosiglitazone contre 21 % dans le groupe metformine et 34 % dans le groupe glyburide (soit une différence significative en faveur de la thiazolidinédione [p<0,001 pour la comparaison avec les deux autres ADO]).
Un profil de tolérance moins favorable
La cause est-elle entendue pour autant, et les recommandations nationales et internationales à peine édictées doivent elle être considérées comme caduques ?
Probablement pas pour de multiples raisons.
1) Le nombre de sujets s’étant retirés de l’étude (quelle qu’en
soit la cause) s’est révélé spécialement élevé dans les trois
groupes avec seulement 60 % environ des sujets ayant achevé
l’essai.
2) Lorsque l’on s’intéresse non plus aux patients ayant dépassé 1,8
g/l de glycémie à jeun mais à ceux dont le taux d’hémoglobine
glyquée reste inférieur à 7 % à 4 ans (ce qui est un critère plus
actuel d’évaluation d’un bon contrôle du diabète) la supériorité de
la rosiglitazone reste significative mais est moins nette (+ 4 % de
bons résultats par rapport à la metformine [p=0,03] et + 14 % par
rapport au sulfamide [p <0,001]).
3) Sur un critère de jugement secondaire (mais ô combien important) la fréquence des événements cardiovasculaires, c’est, de façon inattendue, le sulfamide qui s’est révélé avoir le profil le plus favorable avec 26 événements graves contre 46 dans le groupe metformine et 49 dans le groupe rosiglitazone (p ≤ 0,05 pour la comparaison glyburide-rosiglitazone).
4) L’étude des effets secondaires induits par les 3 ADO n’est pas nécessairement en faveur de la rosiglitazone. Il y a eu significativement plus de troubles gastro-intestinaux avec la metformine qu’avec les deux autres ADO et bien sûr plus d’hypoglycémie avec le sulfamide. Mais l’évolution du poids a été plus défavorable avec la rosiglitazone (+ 2,5 kg par rapport au sulfamide et + 6,9 kg par rapport à la metformine). Cette prise de poids s’est accompagnée d’une plus grande fréquence de prescription de diurétiques et de statines. De plus une augmentation significative du risque d’épisodes d’insuffisances cardiaques congestives a été constatée entre les groupes rosiglitazone et glyburide (p=0,05).
5) Enfin, une analyse réalisée après la soumission pour publication de l’article a révélé que, chez la femme, le pourcentage de fractures était significativement supérieur dans le groupe thiazolidinedione (9,3 % contre 5,08 % dans le groupe metformine et 3,47 % dans le groupe glyburide [p<0,01 pour les deux comparaisons]). Ceci est à rapprocher d’une étude observationnelle récente en faveur d’une augmentation significative de la perte osseuse sous glitazones (2).
Au total, la rosiglitazone a bien démontré sa supériorité en première intention sur un sulfamide et sur la metformine en terme de contrôle de la glycémie. Mais, pour l’éditorialiste du New England Journal of Medicine, si l’on tient compte de l’ensemble des résultats d’ADOPT et en particulier du profil de tolérance des différentes molécules et de l’incidence des événements cardiovasculaires, la rosiglitazone ne peut devenir, sur la base de cette étude, l’ADO recommandé en première intention.
Dr Anastasia Roublev