
Pediatrics publie dans son numéro de février 2007 les résultats d’une étude de Wolak et coll. sur l’exposition des jeunes américains à la pornographie sur Internet.
Il s’agit de l’exploitation d’une enquête téléphonique effectuée en 2005, auprès d’un « échantillon représentatif » de jeunes utilisateurs d’Internet (JUI), âgés de 10 à 17 ans, qui comportait des questions sur l’exposition non désirée versus voulue à la pornographie en ligne. L’appellation « d’exposition non désirée » est utilisée quand le jeune est entré inopinément sur un site classé X en faisant une recherche ou en surfant sur Internet, en ouvrant un message ou en cliquant sur un lien ; et celle « d’exposition voulue » quand le jeune a visité volontairement un site X ou téléchargé des images à caractère sexuel. (En cas d’exposition mixte, l’enfant est classé dans l’exposition voulue).
Du dépouillement de 1 422 réponses, il ressort que 42 % des JUI
(n=603) déclarent avoir été exposés à de la pornographie sur
l’année écoulée, sans l’avoir désiré dans 2/3 des cas (n=400)/
volontairement dans 1/3 des cas (n=203, dont 112 de façon
mixte) ; et que 89 % des exposés sont des adolescents (13-17
ans). Le taux d’exposition volontaire monte de 1 % à 10-11 ans à 38
% à 16-17 ans, chez les garçons, mais plafonne à 8 %, chez les
filles de 16-17 ans.
La comparaison du groupe des jeunes exposés au groupe des non
exposés, par une régression logistique multinomiale, permet de
relever une série de facteurs de risque. Le risque d’exposition non
désirée est lié à l’utilisation de logiciels de partage de fichiers
pour télécharger des images (Odds Ratio=1,9 ; Intervalle de
Confiance 95%=1,3-2,9), à l’exclusion de toute autre activité sur
Internet. Il est réduit de 40 % par l’installation de logiciels de
filtrage et de blocage, et de 30 % par des présentations sur la
sécurité sur Internet … quand elles sont faites par des
représentants de la loi ; il est augmenté chez les 13-17 ans,
les jeunes qui se plaignent de harcèlement ou de sollicitations
sexuelles « en ligne », ou de brimades « hors
ligne », et les sujets plus ou moins déprimés (d’après le
score de la Child Behavior Checklist pour la dépression). Le risque
d’exposition voulue est lui très élevé dans la tranche d’âge des
13-17 ans (OR= 8,8 ; IC95 %=3,8-20,6) et le sexe masculin
(OR=8,6 ; IC95 %=5,2-14,3). Il est positivement lié à
l’utilisation de logiciels de partage de fichiers pour télécharger
des images, au « chat » sur le web avec des inconnus à
propos de sexe, et à l’accès à Internet chez des amis. Il est un
peu augmenté chez les jeunes qui ont des comportements
délictuels.
En fait, cette étude est le sous produit d’une enquête d’opinion concernant les JUI. Elle confirme que la pornographie par Internet touche de plus en plus les jeunes et qu’elle passe en grande partie par le téléchargement d’images (et de musique ?). Les logiciels de protection et les séances d’information n’ont qu’une efficacité modeste. Les adolescents qui visitent des sites X n’ont pas un profil psychologique particulier, hormis une curiosité sexuelle normale à cet âge !
Un problème plus général est soulevé par cette étude. C’est celui de l’impact de la pornographie sur un enfant ou un adolescent, quel que soit son véhicule. Les craintes concernant les futurs comportements sexuels et sociaux, justifient des recherches dans ce sens.
Pour revenir à Internet, il reste tout à fait inquiétant que la pornographie, malgré sa « banalisation », puisse atteindre les jeunes qui ne le désirent pas et ceux qui présentent des indices de vulnérabilité (déprimés, victimes de brimades, petits délinquants). Il faudrait rapidement améliorer l’efficacité des mesures de prévention et évaluer les répercussions psychosociales de la pornographie chez les sujets vulnérables.
Dr Jean-Marc Retbi