Washington, le mercredi 2 mai 2007 – Quel sera l’un des principaux sujets évoqués au cours de la campagne électorale aux Etats-Unis en 2008, si l’on excepte le conflit irakien? Pour répondre à cette question, il vous faudra un temps vous extraire des préoccupations françaises que sont la reprise économique ou la réforme des institutions. A l’image des nombreuses discussions qui ont émaillé la précédente campagne outre-Atlantique et des vives tensions qui se font jour aujourd’hui, il apparaît en effet que l’avortement, sujet totalement absent du débat en France, constituera un thème politique incontournable, trente-quatre ans après la décision « Roe contre Wade » de la Cour Suprême, qui avait reconnu l’interruption volontaire de grossesse (IVG) comme un droit constitutionnel.
Un président « pro-vie »
Dès à présent, à l’heure où la course à l’investiture bat son plein au sein des deux grands partis, la position des candidats républicains sur ce sujet de société est l’objet de toutes les attentions. Suivront-ils le chemin initié par le président George Bush, qui n’a jamais caché sa volonté de voir triompher des conceptions « pro-vie », c'est-à-dire très profondément hostiles à l’avortement, aux recherches sur l’embryon ou encore à l’euthanasie ? Ils ne pourront en tout état de cause se heurter trop vivement à un électorat « pro-vie » très mobilisé qui aura fait de George Bush son meilleur porte-parole. Les deux mandats de l’actuel Président ont en effet été émaillées de différentes attaques à peine voilées contre le droit à l’avortement. Après que le soutien des fonds publics américains a été retiré aux associations caritatives favorables à l’IVG, le Congrès et le Sénat ont ainsi adopté en mars 2003 une loi proposée par l’administration Bush qui précise que le fait de blesser ou de tuer une femme enceinte est un « double délit ou homicide ». Les partisans du droit à l’avortement avaient à l’époque dénoncé le fait que l’Unborn Victims of Violence Act crée un véritable statut de l’embryon.
Avortement par dilatation et extraction
Au-delà des premiers engagements du Président des Etats-Unis pour la défense de « la dignité de la vie », la législation qui a suscité la plus vive inquiétude et les plus vives polémiques est le Partial Birth Abortion Act. Le texte, promulgué en 2003, interdit les avortements tardifs par « dilatation et extraction », baptisés par ses détracteurs « avortement par naissance partielle ». Si cette législation est l’objet de nombreuses craintes, c’est notamment parce qu’elle ne suppose aucune exception, liée par exemple à un possible danger pour la mère. Cette fermeté semble remettre en cause la notion même d’avortement thérapeutique. Rappelons à ce titre que dans de nombreux pays, et notamment en France, les avortements par dilatation et extraction sont rarement réalisés, mais permettent cependant des IVG tardives en cas de danger pour la mère. Cette absence d’exception laissait espérer à ceux qui redoutent vivement l’interdiction de cette technique une invalidation de la Cour Suprême. Cette dernière avait en effet abrogé en 2000 une loi similaire du Nebraska, qui ne prévoyait aucune exception pour protéger la santé de la mère. Pourtant, le 18 avril 2007, par cinq voix contre quatre, les juges ont rejeté les recours formés contre le Partial Birth Abortion Act. La présence de deux juges conservateurs nommés en 2006 à la Cour Suprême par George Bush a contribué à l’édiction d’une décision unique depuis « Roe contre Wade ». Le choix de la Cour signe en tout état de cause une scission profonde au sein de la haute juridiction. Le juge Bader Ginsburg, qui s’est opposé au Partial Birth Abortion Act, a en effet clairement énoncé que cette loi et « sa défense par la cour ne peuvent pas être compris autrement que comme une initiative destinée à restreindre un droit reconnu à de maintes reprises ».
Dakota du Sud, Mississipi, Virginie : la « pro-life » Belt
Au-delà de cette législation, destinée à sensibiliser l’émotion
de la population américaine en présentant le caractère
spectaculaire d’une technique qui est loin de représenter la
pratique courante de l’avortement, le droit à l’IVG est
particulièrement menacé au sein d’états très conservateurs. C’est
ainsi qu’après l’échec de son référendum en novembre, le Dakota du
Sud vient de rédiger une nouvelle loi proposant d’interdire
l’avortement, qui pourrait avoir plus de chances d’être ratifiée
parce qu’elle accepte de retenir une série d’exception (qui
n’inclue pas cependant « le risque pour la santé mentale de la mère
»). Tandis que le Mississipi a choisi en février de préparer
une législation similaire, l’état de Virginie a adopté une loi qui
oblige les cliniques pratiquant les avortements à proposer aux
femmes candidates à l’IVG une échographie prénatale ! Cette
nouvelle disposition pèse sur des établissements en proie à de
grandes difficultés. Alors qu’il n’existe des centres réalisant des
IVG que dans 14 % des comtés américains, les médecins qui acceptent
de pratiquer ces avortements sont parfois l’objet d’importantes
menaces.
M.P.