
Cap Canaveral, le mardi 21 août 2007 – Le Lancet nous propose cette semaine un exemple de distanciation médicale. Il s’agit de la description d’une expérience inédite, dont le caractère exceptionnel réside non seulement dans le protocole (spécialement onéreux), mais également dans la personnalité du patient qui a été choisi pour cette première. Cependant, afin de ne pas trahir le bel esprit de déontologie de I. Mackenzie et coll. des universités de Cambridge, Houston et San Diego, nous rapporterons à leur instar (avec une discrétion feinte) les résultats de la première expérience d’apesanteur vécue par un malade. Alors que plusieurs adultes sains ont en effet pu connaître grâce à des simulations en vol réalisées dans des Boeing 727-200 ces sensations extraterrestres, aucune personne souffrant de pathologies complexes n’avait pu s’y risquer jusqu’ici. Le premier, en avril dernier, fut un homme atteint d’une sclérose latérale amyotrophique avancée, nécessitant, comme nous le précisent I. Mackenzie et coll., une assistance respiratoire nocturne par trachéotomie et une nutrition par voie entérale. Le malade souffre en outre d’une hypertension (sa tension habituelle est de 140/93 mm Hg) et d’ostéoporose. En raison du faible poids du patient, les essais des praticiens qui ont participé à l’expérience et qui étaient destinés à « simuler » l’expérience de simulation ont été réalisés avec un jeune garçon sain de 14 ans.
Une apesanteur très bien tolérée
La préparation du malade a consisté en l’administration par voie intraveineuse de corticoïdes et d’un antiémétique utilisé en chimiothérapie, une heure avant le vol. La surveillance a consisté en une mesure non invasive toutes les deux minutes de la pression artérielle et en un monitoring constant des fonctions cardiaques et respiratoires. Enfin une supplémentation en oxygène était accessible de même qu’une équipe pouvant réaliser une intubation. Accompagnés de quatre médecins et de deux infirmiers, le patient a vécu huit séquences s’apesanteur de trente secondes chacune. I Mackenzie et coll. soulignent que ces périodes de zéro gravité ont été extrêmement bien tolérées : aucune modification durable du pouls, de la tension ou des fonctions respiratoires n’a été observée. Cependant, six des séquences d’apesanteur ont été marquées par des baisses transitoires de la saturation artérielle en oxygène (SaO2) et quatre ont été accompagnées de brèves baisses de la pression capillaire en CO2 (PcapCO2), concomitantes d’une brève période d’hypotension. Enfin, les auteurs rapportent que le patient n’a été nullement victime du mal des transports.
J’aurais pu continuer pendant des heures
Pour les non initiés, le site Internet du ministère de la recherche français précise que le « principe du vol parabolique est globalement le suivant : sur la phase ascendante à plus de 45°, les moteurs sont poussés de manière à annuler progressivement l’effet de la portance. Arrivé en haut de la courbe à 10 000 mètres, avec portance quasi-nulle, l’avion peut ainsi se mettre en chute quasi-libre pendant une vingtaine de secondes ». Ce système n’a sans nul doute que peu de secret pour le patient ayant participé à l’expérience décrite par le Lancet. La photographie proposée par I. Mackenzie et coll. pour accompagner leur lettre au Lancet, révèle en effet que le premier malade à avoir fait l’expérience de l’apesanteur n’est autre que le célèbre astrophysicien Stephen Hawking. A l’issu de cette expérience qui lui a permis de réaliser des mouvements dans l’espace, alors qu’il est figé depuis plusieurs années dans un fauteuil par sa maladie neuro-dégénérative, il a annoncé : « C’était formidable. J’aurais pu continuer pendant des heures ».
Des vidéos de cette expérience sont disponibles sur le site « The Weightless
Experience »
M.P.