Sans même parler de son caractère potentiellement iatrogène, l’efficacité réelle - en termes de réduction de mortalité - du dépistage organisé du cancer du sein continue de faire débat et le moins que l’on puisse en dire, c’est qu’elle n’apparaît pas comme allant de soi.
Divers facteurs expliquent ces incertitudes : qualité variable des données disponibles (études épidémiologiques, essais cliniques, méta-analyses), difficultés à définir des critères de jugement fiables (mortalité générale, mortalité par cancer du sein), forte implication politique teintée de nationalisme, angélisme médical se satisfaisant de simples hypothèses de travail tout en obérant la iatrogenèse (interventions sur des cancers à développement lent voire régressifs comme certains cancers in situ), etc.
C’est ainsi qu’une nouvelle publication d’origine finlandaise clame haut et fort, sans réserve, que « le dépistage organisé réduit la mortalité par cancer du sein ». Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective en population générale qui a cherché à démontrer une réduction de la mortalité par cancer du sein grâce au dépistage mammographique national en se référent à des taux de mortalité théoriques en l’absence de dépistage obtenus par modélisation statistique. La mortalité liée au cancer du sein apparaît ainsi réduite de 22 % (risque relatif 0,78 IC95 % 0,70-0,85) chez les patientes soumises au dépistage ce qui permet aux auteurs de conclure que le dépistage organisé en Finlande est efficace et réduit la probabilité de décéder par cancer du sein.
Rappelons que, seuls, les essais expérimentaux avec randomisation permettent ce type de conclusion.Or, en la matière, ils peinent justement à le faire. Une étude épidémiologique comme celle-ci, sans groupe témoin puisque basée sur une simple évaluation mathématique du taux de mortalité par cancer du sein en l’absence de dépistage, excluant les femmes de plus de 69 ans pourtant les plus souvent atteintes par ce cancer, n’autorise tout au plus qu’à suggérer des hypothèses de travail et certainement pas de porter des affirmations sans réserve.
Ce n’est pas avec ce genre de travail - qui s’apparente un peu à la méthode Coué ou au médicalement correct – qu’on va faire taire la polémique sur l’efficacité exacte du dépistage du cancer du sein.
Dr Jean-Michel Brideron