Les croyances sont des schémas interprétatifs qui conditionnent la perception qu’ont les patients de leur situation et elles peuvent entraîner, lorsqu’elles sont erronées, une mauvaise adaptation à cette situation. Chez les lombalgiques chroniques, l’interprétation de la douleur (signe d’une maladie grave, caractère néfaste de l’activité physique ou du travail) peut aboutir à des conduites d’évitement par peur de reproduire ou d’accentuer les lombalgies, d’où une diminution des performances physiques et des reprises de travail.
Pour rechercher la présence de croyances génératrices de conduites d’évitement par peur de la douleur en cas de lombalgie aiguë, une étude croisée a été réalisée auprès de 709 généralistes exerçant en France, qui ont accepté d’inclure 1 à 4 patients consécutifs, lombalgiques depuis moins de 4 semaines. Les soignants ont répondu à un questionnaire évaluant les croyances génératrices d’évitement, le FABQ (Fear-Avoidance Beliefs Questionnaire). Leurs 2 727 patients ont bénéficié à l’occasion d’une consultation d’une évaluation portant en particulier sur la douleur, le handicap perçu, l’incapacité (Quebec Back Pain Disability Scale) et les croyances (FABQ).
Les patients, âgés de 44 ans en moyenne et le plus souvent de sexe masculin, étaient lombalgiques depuis 5,5 jours en moyenne et le score de la douleur était égal à 6,8/10. Les croyances génératrices d’évitement de la douleur étaient très présentes, avec un score moyen au FABQ égal à 16,8 pour les activités physiques (sur une échelle de 0 à 24) et à 19,5 pour les activités professionnelles (sur une échelle de 0 à 42). Une analyse multivariée a montré que ces scores élevés de croyances étaient associés à plusieurs facteurs : absence d’activité sportive, score d’incapacité, intensité de la douleur, mais aussi suivi par un généraliste dont le propre score physique au FABQ était élevé.
Les croyances génératrices de conduites d’évitement par peur de la douleur sont fréquentes et apparaissent précocement chez les patients lombalgiques. Elles représentent un facteur cognitif important de chronicisation de la douleur et la lutte contre le risque de passage à la lombalgie chronique passe par l'éducation des patients mais aussi par la formation des soignants: la modification de leurs propres croyances leur permettrait de mieux convaincre leurs patients de la nécessité de rester actif.
Dr Odile Biechler