Paris, le mercredi 5 mars 2008 – « Il est très à l’écoute de ses patients malgré son âge (78 ans) et très éveillé. Ses connaissances et son expérience sont un atout, il a un bon sens de l’humour, il s’inquiète pour son malade et son amour pour son travail transparaît sans sa pratique ». Cette déclaration d’amour est adressée par un patient reconnaissant au vieux docteur Jacques B., hématologue dans la ville de Québec. Le site « RateMDS.com », hébergé en Californie depuis mars 2004, permet aux patients nord-américains d’évaluer en ligne et anonymement des médecins, pour leur part parfaitement identifiables. Depuis janvier 2007, les Canadiens ont également accès à ce site. C’est ainsi que si l’on cherche un hématologue dans la ville de Québec, on peut lire les commentaires postés par six patients à propos de trois praticiens. Les médecins ont tous obtenu la note la plus élevée : ce qui témoigne que lorsqu’ils se connectent sur « RateMDS.com », les patients n’hésitent pas à faire part de leur satisfaction, et non pas seulement, comme beaucoup pourraient le craindre, de leur colère.
Je cherche une cardiologue ponctuelle et affable dans la ville de Montréal
« RateMDS.com » connaît un très important succès : 452 738 évaluations ont été postées, tandis que les noms de 130 011 médecins sont inscrits. Pour la seule journée d’hier, 793 nouvelles notations sont venues enrichir le site. Les praticiens reçoivent des notes entre un et cinq à propos de quatre critères : son équipe, sa ponctualité, son amabilité et ses connaissances médicales. Si les commentaires peu amènes ne manquent pas, on constate pour autant que les notes sont majoritairement au-dessus de la moyenne. L’évaluation est fréquemment limitée à un ou deux patients par praticien, mais il n’est pas rare que certains médecins reçoivent les commentaires de près d’une dizaine de malades. Si avec l’augmentation du nombre d’évaluations, le risque d’être mal noté augmente inévitablement, certains observeront pourtant avec joie que l’on peut facilement recevoir sept ou huit appréciations positives, voire très positives.
Le site est évidemment doté d’un moteur de recherche, où l’on peut préciser sa ville, sa région et la spécialité du médecin recherché, tandis que l’on peut également indiquer si l’on préfère qu’il soit un homme ou une femme !
« Un observatoire de la relation humaine » !
Les premiers éléments d’information à propos du site « Not2bib.com », qui projette de faire évaluer nommément, par les patients, les professionnels de santé libéraux français et en premier lieu les médecins, suggèrent qu’ils devraient en partie s’inspirer de « RateMDS.com », notamment en ce qui concerne le choix des critères. « Nous ne prétendons pas évaluer la qualité technique, purement médicale du médecin. C’est l’accueil, la ponctualité, l’écoute, le respect du patient qui nous intéressent et qui intéresseront les internautes », explique en effet Nicolas Herson Macarel, fondateur de ce site. Des différences pourraient cependant se faire jour. Alors que le grand frère américain de Not2bib met en ligne les « évaluations » des médecins, même lorsqu’elles ne sont réalisées que par un seul patient, le prochain site français pourrait pour sa part attendre de disposer sur le même praticien de cinq avis d’internaute. Le site, créé par la société D&E Investments, déjà éditeur d’un portail de rencontre, doit, en tout état de cause, ouvrir le 15 mars prochain. Pour l’heure, à l’adresse Not2bib.com, on peut lire une rapide présentation du projet où les concepteurs n’hésitent pas à utiliser les grands mots : « Ce nouveau service se propose d’être à la fois un observatoire de la relation humaine dans le domaine de la santé, un lieu d’échange entre les patients, voire un instrument d’alerte » ! Ce petit texte ne dit cependant rien des modalités techniques (bien que l’on sache qu’une modération des commentaires est prévue et qu’un droit de réponse pourrait être offert aux médecins) et rien, évidemment, sur le modèle économique d’un tel portail !
Délation et critères peu utiles
La perspective de l’ouverture du site dans quelques jours a évidemment déjà suscité de nombreux commentaires. Sur le blog de Libération « La plume et le bistouri », on peut ainsi lire cette question de François Aubart président de la Coordination médicale hospitalière (CMH) : « Quelle manipulation est ainsi poursuivie en faisant mine de confondre la fausse évaluation populiste avec la vraie délation et la dénonciation opportune ? ». Plus officiellement, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a diffusé hier un communiqué où elle « s’insurge contre ce type de procédé inspiré directement de la téléréalité ». Le président de MG-France, Martial-Olivier Koehrt, estime pour sa part, comme l’avait fait avant lui des organisations canadiennes, que les critères choisis ne permettent pas de mesurer l’efficacité clinique du praticien et se révéleront donc, à terme, assez peu utiles pour les patients, surtout soucieux d’être soignés, avant d’être aimés !
Internet : un univers (im)pitoyable !
Cette analyse a été peut-être celle du Conseil national de l’Ordre des Médecins, qui sans avoir répondu directement au mail que lui ont envoyé le 21 février les concepteurs du site, a indiqué qu’il n’envisageait pas de recours juridique contre un site qui « n’aura aucun intérêt pour les patients » ! L’inquiétude des syndicats et le succès malgré tout prévisible du site conduiront cependant peut-être l’institution à changer de stratégie et à invoquer éventuellement les interdictions concernant la publicité sur les médecins. Les éditeurs de Not2bib estiment pour leur part être à l’abri d’une action en justice similaire à celle qui a condamné ce lundi le site « Not2be » dédié aux professeurs ; les noms des médecins faisant en effet déjà l’objet de communications publiques, contrairement à ceux des fonctionnaires.
Mais le danger de complications juridiques pourrait venir des responsables du site « Not2be » lui-même, qui n’apprécient guère que leur idée (et leur nom) soit reprise par d’autres. Les avocats du fondateur du site « Not2be » ont ainsi déjà envoyé une lettre de mise en demeure à la société D&E Investments !
A.H.
