De l’imatinib au nilotinib

L’imatinib mésylate, anciennement appelé STI571 pour « Signal Transduction Inhibitor », bloque l’activité tyrosine kinase de bcr-abl en se fixant de manière compétitive sur le site de liaison de l’ATP lorsque l’oncoprotéine est en conformation inactive. Malgré les résultats sans précédents de l’imatinib chez les patients atteints de leucémie myéloïde chronique en phase chronique (LMC-PC), des progrès restent à accomplir, en particulier chez les patients développant des mutations de bcr-abl. En effet ces mutations sont source de résistance thérapeutique car elles induisent des modifications conformationnelles de l’oncoprotéine qui empêchent totalement ou partiellement la fixation de l’imatinib. Ces modifications de conformation ont constitué la base du développement du nilotinib (anciennement AMN-107). Le nilotinib se fixe également sur bcr-abl en conformation inactive, empêchant le passage à la conformation active et la fixation de l’ATP. Cependant, le nilotinib n’est pas simplement un « super imatinib ». Certes, sa structure chimique appartient à la même famille que celle de l’imatinib et leurs voies métaboliques sont communes. Mais, les 2 médicaments diffèrent sur de nombreux points comme leur pharmacocinétique, leur trafic intra et extracellulaire, leur puissance d’inhibition de bcr-abl et d’autres kinases cibles telles c-kit et PDGFR.

Bien sûr, le nilotinib est actif sur de nombreux mutants de bcr-abl en dehors du mutant T315I. In vitro, les concentrations nécessaires à 50 % d’inhibition de la prolifération des cellules exprimant bcr-abl sauvage, PDGFR et c-kit sont respectivement de 669 nM, 39 nM et 106 nM pour l’imatinib et de 25 nM, 52 nM et 158 nM pour le nilotinib. Le nilotinib possède d’autres cibles comme NQO2 et DDR1 et il interagit mieux que l’imatinib avec la poche de liaison de l’ATP de bcr-abl. Par ailleurs, les interactions lipophiles du nilotinib sont moins sensibles aux changements de conformation induits par les mutations. Cependant, certaines mutations restent très résistantes au nilotinib : la T315I (résistance totale) et 2 mutations de la boucle de phosphorylation : la Y253H et la E255K/V. Outre ces mutations, l’échappement via des voies de signalisation anormalement activées et indépendantes de bcr-abl, comme la voie Src, représentent certainement d’autres facteurs de résistance. Les résistances liées à des altérations de l’influx/efflux du nilotinib méritent d’être étudiées.

Pour conclure, le nilotinib a été développé de manière rationnelle pour passer outre les résistances à l’imatinib liées aux mutations et son action est bien plus sélective que celle de l’imatinib sur bcr-abl. Mais une « simple » modification chimique peut réserver des surprises en termes de ciblage et de pharmacologie au sens large.

Dr Delphine Rea

Références
Mahon FX : Développement préclinique du nilotinib. Congrès de la Société Française d’Hématologie (Paris) : 20-22 mars 2008.



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