On méconnaît souvent le fait que, depuis dix ans, un faisceau de recherches convergentes contribue à rattacher un nombre croissant de gènes à la schizophrénie. Exemples de tels gènes, qui sont répartis sur plusieurs chromosomes : DTNBP1 (dysbindine, à finalité de recapture du glutamate), NRG1 (neuréguline, pour la régulation des récepteurs N-méthyl-D-aspartate NMDA, le développement neuronal, la plasticité synaptique et la myélinisation) et DAOA (D-amino acide oxydase activateur, pour l’oxydation de la D-sérine, agoniste endogène des récepteurs NMDA). Ces découvertes sont d’ailleurs stimulées par les études montrant l’augmentation du risque de schizophrénie dans certaines maladies génétiques, comme le ‘‘CATCH 22’’ (syndrome vélo-cardio-facial ou de DiGeorge) où une délétion d’un segment du chromosome 22 se trouve associée à une fréquence 20 fois plus grande de la schizophrénie.
Des formes familiales et sporadiques de schizophrénie peuvent partager des caractéristiques génétiques. Mais il existe certains indices accordant à une mutation de novo un rôle majeur dans la schizophrénie sporadique, ce qui réduirait l’intérêt opérationnel de l’approche classique (analyse des liens et ‘‘cartographie’’ chromosomique). Il est possible qu’au lieu de polymorphismes classiques concernant des nucléotides isolés (single nucleotide polymorphisms), largement répandus dans la population, la schizophrénie puisse résulter de mutations rares et néfastes, voire d’un remaniement chromosomique à plus grande échelle. Un tel modèle se précise d’ailleurs de plus en plus dans d’autres affections, comme l’autisme. On connaît en fait déjà 14 gènes susceptibles de jouer un certain rôle dans le déterminisme de la schizophrénie mais, conclut l’auteur : « un grand travail s’impose encore, tant aux cliniciens qu’aux généticiens » avant d’élucider les contributions éventuelles de tous ces gènes au mécanisme de la schizophrénie, encore largement mystérieux.
Dr Alain Cohen