Conditions de vie et état de santé des transsexuels : première enquête du genre en France

Paris, le mercredi 2 juillet 2008 – Ils étaient nombreux à défiler samedi 28 juin à Paris à l’occasion de la « marche des fiertés lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles (LGBT », mais les conditions de vie et l’état de santé de ces derniers demeurent particulièrement mal connus. Cette ignorance est notamment liée à l’absence de définition précise associée à la notion de transsexualité. Dans la première enquête menée auprès de cette population publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire hier, Kayigan d’Almeida Wilson du Centre régional d’information et de prévention du sida (CRIPS), France Lert de l’INSERM et François Berdougo et Hélène Hazera d’Act-Up Paris remarquent : « Ce terme, sans définition clairement établie, recouvre des situations et des comportements variés chez des personnes qui ont en commun de se sentir en désaccord avec le sexe qui leur est assigné biologiquement à la naissance : transgenres, transsexuels, travestis, hommes se sentant femme ou l’inverse, etc ». Pourtant, l’amélioration de la connaissance des conditions de vie et de l’état de santé des transsexuels apparaît essentielle pour renforcer leur accès à la prévention et la lutte contre les discriminations.

Difficultés de recrutement

Si les enquêtes ont été pour l’heure si rares, c’est tout d’abord en raison des difficultés de « recrutement » des sujets. Les responsables de l’étude « Transsexuel(le)s : conditions et style de vie, santé perçue et comportements sexuels » ont choisi d’utiliser internet. Ils ont ainsi proposé de répondre à leur enquête par le biais de sites fréquemment visités par les personnes se déclarant transsexuelles. Cette méthode supposait nécessairement un biais de sélection. De fait, parmi les 179 personnes ayant répondu au questionnaire, 92 % sont nés Français, 2 % le sont devenus et 6 % sont étrangers. Plus de la moitié des sujets a déclaré un niveau d’étude supérieur au bac et 70 % ont indiqué avoir un emploi. Seuls deux « travailleurs du sexe » ont participé à l’étude. La comparaison entre ces résultats et ceux d’une enquête réalisée en Espagne auprès de 150 personnes met en évidence que l’étude française ne rend pas compte de l’existence d’un grand nombre de travailleurs du sexe étrangers (en situation irrégulière) parmi les transsexuels vivant en France. « Le profil sociodémographique de notre enquête est (…) probablement biaisé » admettent les auteurs qui soulignent que la « non participation » des « personnes étrangères transsexuelles vivant de la prostitution » s’expliquent non seulement par leur faible accès à internet, mais aussi par la crainte de « la stigmatisation, l’illégalité du statut de résidence ou la mauvaise connaissance du français ». Pour affiner la connaissance de la situation des transsexuels en France, d’autres techniques de recrutement devront donc être utilisées dans l’avenir.

Transsexuels et transgenres

Dans l’attente de ces nouvelles études, l’enquête demeure cependant riche d’enseignements. Ils concernent d’abord « l’identité » des personnes transsexuelles. Parmi les différentes « notions » qui leurs étaient proposées : 72,6 % des répondeurs se sont déclarés « transsexuels », 54,8 % se sont définis comme transgenres et 34,1 % ont estimé répondre à ces deux catégories. Une majorité de participants a indiqué être hétérosexuels (41,9 %), tandis que 21,8 % se sont présentés comme homosexuels, 33,5 % ont jugé qu’ils n’étaient ni l’un ni l’autre et 2,8 % ont déclaré être les deux. Les auteurs notent que « l’orientation sexuelle et l’identité ne sont pas associées ». Une intervention chirurgicale dite de « réassignation sexuelle » a été réalisée chez 36,3 % des 179 participants. Les personnes n’ayant pas bénéficié d’une telle intervention sont nombreuses à le souhaiter (63 %). Par ailleurs, les trois quart des participants suivent un traitement hormonal.

Drogues, sexe et VIH

La vie sexuelle des personnes interrogées est marquée par une fréquence plus faible des rapports (61 % ont eu une activité sexuelle au cours des 12 derniers mois contre 87,2 % des femmes et 91,4 % des hommes dans la population générale) mais un nombre de partenaires plus élevé (4,4 en un an contre une moyenne variant entre 1 et 1,3 en population générale). Les sujets inclus dans l’enquête ont en outre plus fréquemment recours à la prostitution. Ces comportements sont associés à une prise de risque importante : 82 % des participants déclarent ne jamais se protéger lors d’un rapport bucco-génital et la moitié n’utilise pas non plus de préservatif lors d’un rapport sexuel avec leur partenaire principal. Cette inconscience est cependant plus ou moins relative : les transsexuels recourent bien plus fréquemment aux tests de dépistage du VIH que le reste de la population et plus souvent également que les populations homosexuelles et bisexuelles. Le pourcentage de transsexuels interrogés se déclarant séropositif s’élève à 5,7 %, ce qui est bien plus important que dans la population générale mais moindre que dans la population homosexuelle (prévalence estimée à 13 % dans l’enquête presse gay de 2004). Concernant l’usage de produits stupéfiants, il est nettement plus courant chez les transsexuels : « 15,1 % des répondants ont expérimenté la cocaïne, 8,1 % ont expérimenté l’héroïne versus 2 % et 2,6 % en population générale » et 8 % et 0,7 % chez les homosexuels.

Discrimination (médicale)

Soulignons enfin qu’au total 49 % des participants déclarent avoir déjà été victime d’une discrimination ou avoir renoncé à un de leur droit par crainte d’une réaction négative liée à leur transsexualité. On observe notamment que « 20 % des sujets déclarent avoir renoncé à voir un médecin par crainte d’être discriminés du fait de leur transsexualité ».

A.H.

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