La goutte est due à une élévation prolongée de l’acide urique plasmatique au dessus de son seuil de saturation, responsable de la formation de cristaux d’urate monosodique (UMS). L’irruption des cristaux d’UMS dans le liquide synovial induit une réaction inflammatoire articulaire aiguë. Mais la classique « crise de goutte » ne résume pas les répercussions cliniques de la maladie goutteuse. En effet, le dépôt des cristaux dans l’articulation induit également une inflammation synoviale chronique de faible intensité avec formation d’une synovite granulomateuse, responsable à long terme d’une dégradation ostéoarticulaire. Enfin, les cristaux peuvent se déposer dans les tissus, et en particulier dans la peau, sous forme de concrétions macroscopiques d’urate de sodium : les tophus sous-cutanés.
Le but du traitement est de maintenir l’uricémie à long terme à des taux inférieurs au point de saturation de l’urate de sodium afin d’obtenir la dissolution des cristaux. Des études ont montré que le maintien d’une uricémie inférieure à 60 mg/l permet de diminuer le nombre de cristaux (dès les 3 premiers mois de traitement), de faire disparaître les crises aiguës (dès la seconde année de traitement), mais aussi de réduire la taille des tophus sous-cutanés et articulaires et/ou de les dissoudre complètement, et d’en prévenir la formation. Plus l’uricémie est basse et plus la taille des tophus diminue rapidement.
Les recommandations de l’EULAR préconisent une uricémie inférieure à 60 mg/l (0,36 mmol/l). A noter que le seuil fixé par la British Society of Rheumatology est plus bas (50 mg/l ; 0,30 mmol/l).
Afin de permettre la dissolution des cristaux et de prévenir les complications de la maladie goutteuse à court, moyen et long terme, F. Perez-Ruiz a insisté sur l’importance de maintenir l’uricémie à des taux les plus bas, et le plus longtemps possible. Par ailleurs, la diminution de l’uricémie par un traitement hypo-uricémiant, quel qu’il soit, peut occasionner une augmentation transitoire des crises de goutte due à la dissolution des amas cristallins et à leur détachement dans le liquide synovial. Un traitement préventif adéquat doit ainsi être prescrit (colchicine, anti-inflammatoires non stéroïdiens) suffisamment longtemps. De même, les comorbidités telle une insuffisance rénale chronique, ou la prise de diurétiques par exemple, doivent bien-entendu être recherchées avant toute prescription d’un hypo-uricémiant.
Enfin, F. Perez-Ruiz a rappelé que le traitement optimal de la
goutte doit associer prescription médicamenteuse et mesures non
pharmacologiques. En particulier, l’information des patients sur
leur maladie, ses causes, les différents types de traitement
(distinction entre crise de goutte et hyperuricémie), et surtout,
l’intérêt d’un traitement à long terme, représentent pour F.
Perez-Ruiz la pierre angulaire de la prise en charge ; une mauvaise
compréhension du traitement menant le plus souvent à son arrêt
prématuré et/ou intempestif.
Il n’existe actuellement pas de recommandation sur la durée de la
prophylaxie médicamenteuse. Cependant, une chose est certaine :
plus le contrôle médicamenteux de l’uricémie a été strict et
prolongé et plus l’intervalle libre sans crise sera long après
arrêt du traitement. Dans une étude prospective récente menée chez
des patients goutteux traités par hypo-uricémiants pendant 5 ans,
les sujets dont l’uricémie était inférieure à 50,5 mg/ l sous
traitement et inférieure à 87,5 mg/l à l’arrêt de celui-ci
présentaient les plus longues périodes de rémission (> à 4 ans)
(F. Perez-Ruiz et coll., Arthritis Rheum 2006).
Dr Isabelle Birden