L'utilisation des agents biologiques (anticorps monoclonaux) bloquant les cytokines a révolutionné la prise en charge d'un certain nombre de maladies systémiques, notamment la polyarthrite rhumatoïde de l'adulte, les arthrites idiopathiques juvéniles et les maladies inflammatoires du tube digestif, et notamment la maladie de Crohn. L'une des cytokines les plus étudiées est le TNF alpha. Mais, l'utilisation des anticorps anti-TNF augmente le risque de tuberculose, ce qui n'est pas une surprise, eu égard au rôle physiologique du TNF dans la défense anti- mycobactérie. Les recommandations actuelles, i.e. l'arrêt des anticorps anti-TNF lorsque les patients développent une tuberculose, comportent un risque vital lié à l'exacerbation de la réponse inflammatoire granulomateuse dépendante du TNF.
Dans ce cadre, une observation particulièrement informative a été rapportée à l’ICAAC dans un symposium sur les complications infectieuses des thérapeutiques immunomodulatrices ciblées. Une jeune femme de 29 ans d'origine africaine traitée pour une polyarthrite rhumatoïde par anticorps monoclonal (adalimumab, ADA) a développé une tuberculose pulmonaire avancée. Malgré l'arrêt du blocage de la voie TNF et d'une chimiothérapie antituberculeuse adaptée, la patiente s'est aggravée et a nécessité une ventilation mécanique. Une biopsie à ciel ouvert a révélé des granulomes importants avec caséum. Le génotypage a montré que la souche était sensible à l'isoniazide et à la Rifadine. L'ADA 160 mg associé à de la méthylprednisolone (2 mg/kilo de poids corporel et par jour), a été repris à J17 après le diagnostic de tuberculose en s'inspirant des doses proposées dans la maladie de Crohn. De façon paradoxale, la patiente s’est améliorée très rapidement avec une extubation rendue possible après 12 jours. La corticothérapie a été rapidement arrêtée. Les cultures étaient négatives après la première semaine de traitement antibiotique.
Au total, la reprise du blocage de la voie TNF représentait la solution adaptée au problème de cette patiente et elle n'a pas compromis la réponse microbiologique au traitement antituberculeux. Ainsi, l'arrêt des anticorps monoclonaux constitue un véritable danger en cas de tuberculose pulmonaire et les recommandations officielles méritent d'être reconsidérées.
Dr Jean-Louis Stéphan