Otites : le succès des médecines alternatives auprès …des pédiatres !

Quel pédiatre n’a été confronté, ne serait-ce qu’une fois dans sa carrière, au désespoir de parents dont l’enfant souffre d’otites moyennes aiguës à répétition (OMAR) ? Une pathologie difficile à vivre et qui incite souvent à chercher ailleurs des solutions que la pratique traditionnelle semble avoir du mal à proposer. Pour évaluer la fréquence du recours aux médecines alternatives (MA), mais aussi les raisons, la tolérance et l’efficacité de ces pratiques, le plus souvent homéopathie et/ou phytothérapie, P. Marchisio et coll., de l’Istituto di Ricerche Mario Negri à Milan en Italie, ont mené une enquête par questionnaire incluant 840 enfants âgés de 1 à 7 ans présentant des OMAR (au moins 3 épisodes en 6 mois).

Il en ressort que presque la moitié (46,5 %) des enfants avaient « bénéficié » de MA – un chiffre significativement supérieur à celui des enfants vaccinés par PCV-7 (Pneumococcal conjugate vaccine), qui est de 34 %. Les déterminants principaux étaient « des habitudes familiales », une mère d’un niveau socio-culturel élevé, une exposition tabagique ou l’absence de fratrie. Par ailleurs, cette pratique était perçue comme efficace et sécuritaire par une grande majorité des parents (68,6 et 95,7 %). Enfin, ces prescripteurs émanaient des pédiatres dans 50,7 % des cas et d’autres spécialistes dans 16 % des cas. Dans 24 % des cas, il s’agissait d’une démarche personnelle. Des chiffres très préoccupants pour M. Marchisio, surpris et manifestement peiné qu’autant de pédiatres prescrivent des traitements dont on ne connaît ni l’efficacité ni la tolérance, et encore moins le rapport coût/efficacité…

Les médecins (au moins italiens..), pédiatres en tête, manqueraient donc, en matière d’OMAR de cet esprit critique si nécessaire à une pratique de qualité. Manquent-ils, pour autant, de la connaissance des prises en charges recommandées et autres guidelines diagnostiques édictés lors des réunions de consensus de spécialistes ? Le même auteur présentait, il y a quelques mois, une étude basée sur l’interrogatoire anonyme par mail de  2 012 praticiens, révélant que les médecins n’avaient pas été correctement formés pendant leurs études, même s’ils avaient pu compléter leurs connaissances ensuite (jusqu’à 53 % en post-résidanat). Quarante pour cent des médecins déclaraient suivre ces consensus, mais seulement 21 % d’entre eux faisaient appel à des techniques diagnostiques adéquates. Des résultats qui, eux aussi, permettaient à l’auteur de suspecter qu’en matière d’OMAR, tout n’allait certainement pas pour le mieux dans le meilleur des mondes…

Médecins indisciplinés, patients adeptes de médecine sans base scientifique, il est urgent que de nouveaux programmes d’enseignement sur les OMAR soient développés et rigoureusement évalués, et que les études médicales prennent acte des pratiques de terrain pour en tirer les enseignements pédagogiques nécessaires. En Italie, évidemment.

Dr Jack Breuil

Références
Marchisio P et coll. : Use of complementary and alternative therapy in children with recurrent acute otitis media.
European Paediatric Infectious Diseases Annual Meeting (Bruxelles) : 9-13 juin 2009.

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