Paris, le mercredi 7 avril 2010 – Depuis plusieurs années, le rapport annuel de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) s’intéresse, entre autres, aux tendances inquiétantes que l’on peut observer dans le domaine de la santé. C’est ainsi notamment qu’en 2008 et 2009, il avait dénoncé les pratiques de certains psychothérapeutes et en particulier la technique dite du « faux souvenir induit ». Aujourd’hui, la Miviludes et son président Georges Fenech ont voulu souligner combien d’une part la quête de « bien être » et l’aspiration d’un retour au « naturel » et d’autre part l’obsession de la minceur, qui sont de plus en plus prégnantes dans notre société pouvaient conduire à s’orienter vers des pratiques dangereuses. « Il y a des centres psycho-thérapeutiques, des centres nutritionnistes, qui attirent beaucoup beaucoup de monde, c'est un phénomène un petit peu de mode (...) tout n'est pas dangereux bien sur, mais il y a là des thématiques dans lesquels les groupes sectaires, les psycho-groupes (...) se sont engouffrés » a-t-il ainsi expliqué interrogé ce matin sur Europe 1.
Se nourrir de bêtises et d’eau fraîche… à en mourir !
Parmi les tendances inquiétantes observées par la Miviludes, l’engouement pour le « néo-chamanisme » est notamment cité. Le rapport tient à rappeler qu’une rupture sociale, liée à une emprise psychologique difficilement contrôlable, représente un risque non négligeable lorsque l’individu se retrouve confronté à des « techniques ancestrales » qu’il ne comprend pas et ne maîtrise pas. Mais si les chamans doivent être redoutés, des dangers bien plus difficilement identifiables existent et se cachent parfois derrière les meilleures intentions du monde : celle de retrouver une alimentation saine et pure. Ainsi, certains « guides » nutritionnistes sont dans la ligne de mire de la Miviludes. Les régimes alimentaires fantaisistes, la recommandation de compléments nutritionnels nullement testés et contrôlés et l’encouragement au jeûne thérapeutique sont autant de tendances qui inquiètent ceux qui luttent contre la prolifération des dérives sectaires. Des conseils extrêmes peuvent en effet entraîner chez certains un refus total de l’alimentation traditionnelle. De tristes exemples ont ainsi fait la une des journaux ces dernières années : des parents adeptes de « kinésiologie » ou de la méthode « Gaïa », une « médecine » New Age, ont vu mourir de faim leurs enfants, privés des éléments nutritifs essentiels à leur développement et leur croissance. Si ces dérives existent depuis longtemps, la Miviludes remarque que la vogue actuelle qui prône un retour à la pureté donne plus d’échos et de visibilité à ce type de discours rompant avec toute logique. « La société est de plus en plus tolérante à l’égard d’idées qui il y a vingt ans auraient fait sursauter pour leur manque de bons sens » analyse Marie Drilhon, de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes.
Pas besoin des vaccins
L’alimentation n’est pas seule en jeu. La médecine New Age, la kinésiologie et ces autres discours pseudo-scientifiques visent également à éloigner les individus de la médecine moderne. Ainsi, certains vont jusqu’à affirmer que le jeûne thérapeutique peut tout soigner, jusqu’au cancer. Par ailleurs, la Miviludes remarque comment l’idéologie New Age peut inciter certains parents à croire leurs enfants dotés de pouvoirs exceptionnels. Aussi, ces derniers sont-ils soustraits du système scolaire et de santé. C’est ainsi qu’est expliqué par exemple le refus de la vaccination, qui peut également être lié à une « sorte de vision écologiste », observe Marie Drilhon. « Ces choix de vie peuvent avoir de sérieuses conséquences sur le bon équilibre de l’enfant, son comportement ou son bien être physique et mental » souligne-t-elle encore.
L’Europe contre les sectes ?
Face à ces dérives, la Miviludes souhaite que soient multipliées
les plaintes pour exercice illégal de la médecine et de la
pharmacie et propose que soit mis en place un programme européen
sur les dérives sectaires.
Aurélie Haroche