Indemnisation des victimes des essais nucléaires : les conditions sont-elles trop restrictives ?

Paris, le mardi 29 juin 2010 – Le 25 mars 2009, la France tournait une page historique. Après des décennies de silence et de réticence, treize ans après le dernier essai nucléaire et alors que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne s’étaient depuis longtemps engagés dans cette voie, le ministre de la Défense, Hervé Morin présentait enfin un projet de loi visant à dédommager les milliers de personnes ayant été exposées aux retombées radioactives des 210 essais atomiques français menés dans le Sahara et en Polynésie entre 1960 et 1996. Il aura cependant fallu attendre plus d’un an encore, après plusieurs navettes entre les ministères concernés (et affirme le Monde le blocage pendant plusieurs semaines de Bercy) pour qu’un décret d’application fixant les conditions d’indemnisation soit publié le 11 juin dernier. Hier, le ministère de la Défense a achevé de mettre en place le dispositif en inaugurant le comité d’indemnisation créé par la loi du 5 janvier 2010.

Des aires géographiques trop restreintes

Cette structure, composée de huit membres (dont cinq doivent recevoir l’aval du ministère ce que déplorent les associations de « vétérans »), examine dores et déjà les dossiers complétés de 253 personnes, tandis que l’Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) annonce que 500 autres devraient suivre prochainement. La grande nouveauté de cette procédure d’indemnisation par rapport aux actions judiciaires individuelles qu’ont tenté certaines personnes est que la charge de la preuve repose sur le comité et non sur l’éventuelle victime. Une « présomption de causalité » s’applique donc. Cependant, pour en bénéficier il faut répondre à certains critères médicaux et géographiques. Dix-huit maladies potentiellement liées à l’exposition aux radiations ont été retenues en se basant sur la liste du Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR). Cependant, les associations déplorent que les pathologies recensées par le décret excluent la leucémie lymphoïde chronique, le cancer de la thyroïde chez l’adulte et le cancer du sein masculin. Le décret précise par ailleurs que pourront prétendre à des indemnisations les personnes présentes dans certaines aires géographiques circonscrites et trop limitées selon les associations. « Alors que toute la Polynésie a été copieusement contaminée par 41 essais aériens entre 1966 et 1974, le décret Morin affirme que les nuages radioactifs sont retombés sélectivement sur quatre îles ou atolls et sur quelques communes de Tahiti » dénoncent Aven et l’association Moruroa et Tatou.

Entre 50 000 et 90 000 euros

Face à ces critiques et inquiétudes, Hervé Morin dénonce un « faux procès. Pendant trente ans, aucune majorité de droite ou de gauche n’a bougé le petit doigt. Or nous disposons maintenant d’un régime comparable à celui des autres grandes démocraties » se défend-t-il cité dans le Monde, tandis qu’il assure que les premières indemnisations qui pourraient atteindre entre 50 000 et 90 000 euros pourraient être versées avant la fin de l’année.

Aurélie Haroche

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