
Londres, le vendredi 16 juillet 2010 – On ne compte plus les enquêtes se proposant d’évaluer la « qualité de la vie ». Plus rares sont celles qui se penchent sur « la qualité de la mort ». L’exercice est cependant loin d’être inutile comme le relève l’Economist Intelligence Unit (EIU) qui rappelle que 100 millions de personnes dans le monde devraient bénéficier de soins palliatifs chaque année et que seuls 8 % y ont réellement accès. Aussi, cet organisme a-t-il souhaité déterminer les pays où l’on meurt le mieux. Il a identifié vingt-sept différents indicateurs, telle la formation des professionnels de santé, la prescription d’anti-douleurs, la volonté politique quant au développement de soins palliatifs ou encore la réaction de la société face à la mort. Ces critères ont été classés en quatre catégories : qualité des soins classiques, disponibilité des soins palliatifs, leur coût et leur qualité. Cette grille d’évaluation a été appliquée dans quarante pays, trente membres de l’OCDE et dix autres états (dont l’Inde, la Chine ou encore l’Ouganda).
Pionnière Grande-Bretagne
Les résultats laissent apparaître qu’avec un score de 7,9/10, la Grande-Bretagne est le pays où il fait le mieux mourir ! Cette première place peut se révéler surprenante quand on rappelle que le Royaume-Uni n’est pas connu pour la perfection de son système de santé (d’ailleurs, l’EIU note que dans la catégorie « qualité des soins classiques » la Grande-Bretagne se range à la 27ème place), cependant elle l’est moins quand on connaît le rôle de pionnier du pays dans le domaine des soins palliatifs. La création de l’hospice Saint Christophe à la fin des années 60, entièrement dédié à l’accompagnement des mourants, fait en la matière figure de pierre fondatrice. Depuis cette époque, la Grande-Bretagne n’a cessé de diversifier son offre de soins dans ce domaine, proposant notamment une prise en charge à domicile très développée, tandis que les soins palliatifs sont toujours gratuits. Ce sujet reste par ailleurs l’attention constante du pays : en 2008 encore le « End of Life Care Strategy » était adopté, qui insiste notamment sur l’importance de respecter le choix des patients quant au lieu où il souhaite achever leur vie.
Des efforts importants en Allemagne
La Grande-Bretagne est suivie dans ce classement mortuaire de l’Australie qui s’est également illustrée par le déploiement d’un programme ambitieux en la matière. L’Allemagne figure pour sa part à la huitième place (après la Nouvelle Zélande, l’Irlande, la Belgique, l’Autriche et les Pays Bas) ce qui témoigne combien le pays a su rattraper ses lacunes en la matière, constatées en 1998 en ces termes par le Sénat : « Le retard des autres pays (par rapport à la Grande-Bretagne, ndrl) est particulièrement frappant pour l’Allemagne (…) qui ne comptait en 1997 que 99 unités de soins palliatifs, avec 624 lits »
La culture des soins palliatifs encore balbutiante en France
La France, bien que présente dans la première moitié du classement, n’occupe que la douzième place (après le Canada, les Etats-Unis et la Hongrie). De nombreux rapports ont de fait déploré en France le manque d’attention accordée aux soins palliatifs, décrit comme un défaut de « culture » en la matière. Les pouvoirs publics se sont cependant attelés au problème ces dernières années en y consacrant des sommes plus importantes. Ainsi, 230 millions d’euros ont été débloqués en 2008 qui doivent permettre de doubler le nombre de places disponibles en quatre ans.
Soins palliatifs vs euthanasie
On observera par ailleurs que les pays nordiques dont la qualité des soins est souvent louée ne se distingue pas dans ce domaine : la Norvège (13ème place) suit la France et devance la Suède (16ème place après Taiwan et la Pologne) elle-même supérieure en la matière au Danemark (22ème place). La Chine, le Brésil, l’Ouganda et l’Inde ferment le classement. Dans ce dernier pays, des initiatives ont cependant été développées, ainsi dans la province de Kerala (sud du pays) un programme s’appuyant sur des bénévoles (des voisins) chargés d’évaluer les besoins en la matière a rencontré un franc succès. Cependant, dans ces pays et notamment en Chine, l’EIU observe que le développement des soins palliatifs se heurte au tabou que représente encore la mort. L’organisme note également qu’une place trop importante accordée à la question de l’euthanasie tend à masquer les besoins, bien supérieurs, en soins palliatifs. Enfin, il déplore un manque d’engagement politique dans ce domaine.
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Léa Crébat