L’infection à Helicobacter pylori (HP) est habituellement acquise pendant la petite enfance, par contagion oro-orale intra-familiale. Chez l’enfant et l’adolescent, elle peut donner des gastrites et des ulcères gastroduodénaux.
La fréquence des ulcérations et des érosions gastroduodénales est d’environ 8 % chez les enfants européens (hors Russie) infectés par HP et vus en endoscopie, mais il y a un effet de l’âge : aucun cas n’est constaté avant 3 ans, et ensuite la prévalence augmente avec l’âge. On estime que près de deux ulcères duodénaux sur 3 sont dus à HP versus un ulcère gastrique sur 5. L’autre grande cause d’ulcérations est représentée par les AINS et les corticoïdes. Il y a une association significative avec les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI).
Les signes évocateurs d’une maladie peptique de l’enfant sont des douleurs abdominales récidivantes, pas forcément épigastriques, réveillant l’enfant pendant son sommeil, calmées par l’ingestion d’aliments, liées aux repas (pendant ou après), avec altération de l’état général et perte de poids ; ainsi qu’une mauvaise haleine matinale (halitose). Ce sont des indications de l’endoscopie haute à la recherche d’un ulcère.
Le traitement de la maladie peptique de l’enfant est d’abord
symptomatique :
- conseils diététiques : suppression des boissons gazeuses, des
plats épicés et des aliments acides ;
- et pansements gastriques, type hydroxydes d’alginates.
Ce n’est qu’en cas d’échec de ce traitement qu’une endoscopie haute s’impose. La présence d’une ulcération justifie un traitement antiacide pendant 4 à 8 semaines et le traitement de sa cause : HP, MICI. Un contrôle endoscopique est nécessaire.
Le diagnostic d’infection à HP chez l’enfant, comme chez
l’adulte, repose sur des techniques invasives ou non invasives. Les
techniques invasives nécessitent des biopsies de la muqueuse
fundique et antrale de l’estomac.
Il s’agit de :
- l’histologie avec coloration de Giemsa modifiée pour voir
les bactéries ;
- la culture, difficile, mais permettant un antibiogramme
;
- la RT-PCR, qui permet la détection des mutations de
résistance à la clarithromycine et qui va être bientôt automatisée
;
- et l’uréase, qui peut être réalisée en salle d’endoscopie.
Les techniques non invasives comprennent :
- le test respiratoire à l’uréase marquée ;
- la recherche d’antigènes dans les selles ;
- et la sérologie par ELISA ou western-blot.
Le test respiratoire à l’uréase et la recherche d’antigènes dans
les selles conviennent au dépistage à cause de leur valeur
prédictive négative élevée. Leurs indications sont les symptômes
qui font suspecter une maladie peptique chez l’enfant. Compte tenu
du niveau de résistance de la clarithromycine, on ne peut faire
d’antibiothérapie sans connaître la sensibilité de HP aux
antibiotiques. Un test de dépistage positif justifie une
fibroscopie haute avec des biopsies pour culture et antibiogramme
ou RT-PCR. Le contrôle de l’éradication du germe doit être
systématique, par un test respiratoire à l’uréase, ou une recherche
d’antigène dans les selles, 4 à 6 semaines après la cure
d’antiacides et d’antibiotiques. Il n’y a plus d’indication à une
2e endoscopie, sauf si les tests sont toujours positifs…
Le traitement spécifique de l’infection à HP comprend un IPP et deux antibiotiques. L’un des antibiotiques est l’amoxicilline, et l’autre la clarithromycine, à défaut le métronidazole ou une fluoroquinolone. Chez l’enfant, plus de 20% des souches testées sont résistantes à la clarithromycine, et plus du tiers au métronidazole. Pour la clarithromycine, la mutation A2143G du rARN 23S est le plus souvent en cause. On dépasse ainsi le taux (15-20 %) acceptable pour prescrire empiriquement la clarithromycine en combinaison avec l’amoxicilline. Comme les adultes, les enfants infectés par HP ne doivent être traités par antibiotiques qu’en fonction des résultats de sensibilité classiques (antibiogramme) ou moléculaires (PCR).
Dr Jean-Marc Retbi