Exclusif. Petits blocs : les professionnels de santé contre le statu quo

Paris, le vendredi 6 août 2010 – La question de la fermeture des petits blocs opératoires laisse la place à un traitement médiatique qui ne semble pas parfaitement rendre compte de toutes les positions des différents acteurs en la matière. Si l’on voit en effet le plus souvent les farouches opposants à la disparition des services de chirurgie à faible activité énumérer leurs arguments devant les caméras de télévision, les inquiétudes et souhaits de ceux qui considèrent comme nécessaires si non des fermetures tout du moins des transformations de ces unités sont plus rarement évoqués. Or, le gouvernement ne semble sensible qu’aux sirènes de la médiatisation, ainsi qu’aux déclarations des syndicats.

Des citoyens pour la fermeture

Ainsi, derrière le concert de satisfaction saluant à la fin juillet le choix de Roselyne Bachelot de reporter sine die la publication du décret visant à la fermeture des blocs réalisant moins de 1 500 interventions par an, quelques voix dissonantes ont eu du mal à se faire entendre.

Elles souhaitaient pourtant manifester le point de vue de certains patients : l’association le Lien, dédiée à la lutte contre les infections nosocomiales, a ainsi signé un communiqué révélant que le maintien des petits blocs opératoires peut être perçue comme une menace pour la sécurité des soins. « Nous espérons que les patients ne feront pas les frais du report de la décision sur la réorganisation de la chirurgie et que les élus qui ont fait échec à la fermeture des services de chirurgie concernés, c'est-à-dire ne travaillant pas assez pour garantir un bon niveau de performance technique, vont bien s’assurer que les patients n’en subiront pas les conséquences et que maintenir ouvert un bloc opératoire qui aurait dû être fermé, ne leur fera pas perdre une chance de guérison si ce n’est leur vie » pouvait-on lire au lendemain de la décision de Roselyne Bachelot, un texte contrastant très fortement avec les inquiétudes largement relayées par les médias de patients refusant de sacrifier « la proximité ».

Des blocs se limitant à certains actes : pourquoi pas ?

De même, les professionnels de santé partagent face à cette question des petits blocs opératoires des positions qui démontrent qu’à leurs yeux l’engagement d’actions significatives est urgent. Ainsi, interrogés sur notre site du 28 juillet au 5 août, nos lecteurs n’ont été que 14 % à estimer que ces services devraient pouvoir « continuer à fonctionner en l’état ». Ce résultat confirme la réalité des difficultés qui paraissent exister dans ces établissements : si, en connaissance de cause, un si faible pourcentage de professionnels se prononce en faveur d’un statu quo, il semble que l’urgence ne soit plus à démontrer. Ils étaient par ailleurs deux fois plus nombreux (29 %) à juger que ces blocs devraient être fermés rapidement et à sembler ainsi regretter le recul récent du ministère de la santé sur ce point. Il apparaît donc que les professionnels de santé, qui souvent désertent ces petites structures où le travail manque, ne sont pas unanimement des défenseurs acharnés de la proximité et du maintien de toutes les unités.

Cependant, la solution qui a suscité la plus grande adhésion (34 %) consisterait à ne pratiquer dans ces petits blocs que certains actes. En la matière, le professeur Guy Vallancien, auteur en 2006 d’un rapport sur la continué des soins chirurgicaux dans les petits hôpitaux publics français s’était érigé contre une telle idée. « Un chirurgien n’est pas formé pour assurer uniquement des gestes de base, cure de hernies, d’hydrocèles, ablation de kystes, sutures superficielles… (…). Quand un chirurgien est nommé à son poste de praticien hospitalier, il n’a guère l’intention de se contenter d’enlever les loupes du cuir chevelu sous anesthésie locale », avait-il déclaré. Il avait par ailleurs considéré que ces blocs ne pouvaient pas non plus uniquement être restreints à la chirurgie ambulatoire, celle-ci « réclamant une organisation parfaite ». Loin des critiques adressées par Guy Vallancien, un tiers des professionnels de santé semblent cependant séduits par cette formule, tandis que 22 % plaideraient pour un fonctionnement sous surveillance. Mais celle-ci resterait à définir.

 

Sondage réalisé auprès de 293 professionnels de santé du 28 juillet au 5 août 10

Aurélie Haroche

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Vos réactions (2)

  • Blocs : changer sans les fermer

    Le 08 août 2010

    Le Pr Vallancien a totalement raison : un PH nommé ne se cantonnera pas aux "bricoles" ! Surtout, l'administration ayant horreur du vide, on met en place dans ces petits centres des professionnels dont la formation est souvent inconnue et qui n'ont ni patron, ni référence. Dans les défilés de soutien très politiques à ces petits centres, on voit des gens qui sont clients des grandes maisons des grands centres, mais la politique, c'est leur truc !
    Conclusion, il faut changer sans les fermer l'activité de ces établissements qui peuvent rendre des services en convalescence, rééducation, accueil de personnes âgées etc...
    Mais la Chirugie et la Médecine sont devenues trop sérieuses, trop encadrées pour pouvoir rester dans les incertitudes d'une proximité qui est le seul atout.
    Professeur (retaité) Ortho traumato Jean-Pierre Clarac

  • Encore une de ces lubies administratives !

    Le 09 août 2010

    Madame La Ministre met en avant qu’un jeune chirurgien qui réalise 1 600 interventions par an, depuis seulement deux ans, ( n = 3 200) est, de loin, préférable à un chirurgien plus âgé qui n’a réalisé que 1 000 interventions, depuis 32 ans (n = 32 000).
    C’est alors inciter le jeune chirurgien à faire du chiffre, du K inutile et à opérer des cas où les interventions sont discutables, à "bidocher" pour reprendre le vocabulaire des salles d’internat.
    Pour ma part, je choisirais plutôt l’ancien que le jeune, ne serait-ce que parce qu’une intervention a toujours des imprévus, ce n’est pas une réparation de garagiste, et que la solution à chaque difficulté opératoire sortira mieux d’une expérience dix fois plus grande que d’une pratique annuelle de 40 % supérieure. Les normes : encore une de ces lubies administratives qui vont faire fermer des tas de petits hôpitaux !
    Dr Jean Doremieux.

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