Plusieurs travaux et une méta-analyse ont récemment mis en avant un lien entre la prise de calcium en monothérapie et une augmentation du risque d’accidents cardio-vasculaires (Bolland MJ et coll., BMJ 29 juillet 2010). Notons cependant que cette méta-analyse ne concerne que des effets étudiant la supplémentation en calcium seul, sans vitamine D. Pour sa part, l’étude WHI (Women’s Health Initiative), il y a quelques années, n’avait pas démontré d’effets de l’association calcium + vitamine D (CaD), administrée en prévention de l’ostéoporose, sur les évènements cardio-vasculaires. Une association significative avait en revanche été mise en évidence entre IMC et risque cardiovasculaire chez les patientes sous supplémentation CaD. Mais la majorité des patientes incluses dans l’étude WHI (> 50 %) prenaient une supplémentation en calcium en dehors du protocole de l’étude, ce qui pourrait avoir faussé l’estimation des risques.
Une équipe néo-zélandaise a repris les données de l’étude WHI, pour évaluer à nouveau le risque cardio-vasculaire dans le sous-groupe des patientes ne prenant pas de supplément de calcium en dehors du protocole et qui n’étaient pas obèses.
Sur les 15 788 participantes, 44 % ne prenaient pas de supplémentation en calcium en dehors du protocole lors de la randomisation. Dans ce sous-groupe de patientes, l’association calcium + vitamine D est associé à une augmentation de 11 à 19 % de l’incidence des infarctus du myocarde, des revascularisations coronaires et des accidents vasculaires cérébraux. Pour le critère composite [infarctus du myocarde et revascularisation coronaire], l’association est significative.
Chez les femmes non obèses (IMC < 30) ne prenant pas de calcium en dehors du protocole, la supplémentation CaD, comparativement aux femmes sous placebo, est associée à une augmentation de 18 % des infarctus du myocarde (p = 0,23), de 31 % des revascularisations coronaires (p = 0,02) et de 21 % d’un critère composite [infarctus du myocarde, décès d’origine cardiovasculaire et revascularisation] (p = 0,05).
En ce qui concerne les femmes prenant des suppléments de calcium hors protocole, la prise de CaD n’est globalement pas associée à une augmentation de l’incidence des évènements cardiovasculaires. Mais, si l’on distingue les femmes non obèses des autres, on s’aperçoit que le risque de revascularisation est augmenté significativement chez les femmes non obèses (ainsi que le risque d’infarctus mais de façon non significative), alors que les femmes obèses ne présentent aucune augmentation de l’incidence des évènements cardiovasculaires. Pour expliquer cette discordance, les auteurs avancent l’hypothèse d’un possible effet protecteur de l’apport de vitamine D chez les patientes obèses qui présentent souvent une hypovitaminose D.
Les auteurs concluent que la supplémentation en CaD dans l’étude WHI est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire et que les précédents résultats de l’étude WHI semblent avoir été biaisés par le nombre important de participantes prenant du calcium en dehors du protocole, minimisant ainsi les différences de risque entre les patientes supplémentées et celles qui ne l’étaient pas.
Cette étude est à ajouter aux nombreux travaux paraissant sur la question de la supplémentation en calcium, en monothérapie ou associé à la vitamine D. Si elle n’apporte pas de réponse définitive aux questions posées par ces travaux, elle a toutefois l’intérêt de pointer les biais qu’il est possible de relever même dans les études les plus fameuses.
Dr Roseline Péluchon