Déserts médicaux : les associations de patients prônent la restriction de la liberté d’installation et le paiement au forfait

Paris, le jeudi 18 novembre 2010 – Elles n’ignorent pas que leurs propositions vont être sévèrement contestées par les syndicats de médecins. Elles l’ont déjà prévu. A l’heure de présenter leurs sept propositions concernant les déserts médicaux, les organisations de patients que sont le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), la Fédération nationale des accidentés du travail (FNATH) et l’Union nationale des associations familiales (UNAF) observaient hier : « Nous pouvons évidemment craindre que certains représentants de médecins refusent une telle évolution, les principaux syndicats médicaux se trouvant à la manœuvre s’inscrivant dans des approches essentiellement conservatrices à l’inverse des aspirations des jeunes générations de médecins ».

Population en hausse, médecins en baisse

Si des propositions détonantes, parmi lesquelles la promotion du paiement au forfait et la restriction de la liberté d’installation, allant à l’encontre de l’arrière garde que symboliseraient les syndicats de médecins, s’imposent, c’est en raison de la progression des déserts médicaux et de l’inefficacité des mesures incitatives jusqu’alors mises en place. Les trois organisations ont ainsi présenté hier les résultats d’un sondage réalisé par Viavoice auprès de 1 004 personnes indiquant que 10 % des Français rencontrent des difficultés pour consulter un généraliste près de chez eux, une proportion qui grimpe jusqu’à 27 % quand il s’agit de rencontrer un spécialiste et qui atteint 34 % quand on se concentre sur les professionnels de santé ne réalisant pas de dépassement d’honoraires. A cette présentation de la situation par les Français, s’ajoute la mise en évidence, une nouvelle fois, de très fortes disparités régionales. Ainsi, dans huit départements la densité médicale est inférieure de 30 % à la moyenne nationale, alors que la population de six d’entre eux a progressé ces dix dernières années. C’est notamment le cas de l’Eure qui a vu son nombre d’habitants croître de 13,6 %.

Plus d’argent mais pas plus de médecins

Face à cette situation, les mesures d’incitation à l’installation seraient sans efficacité si l’on en croit le CISS, la FNATH et l’UNAF. S’intéressant à la principale de ces mesures qui accorde une majoration de 20 % de leurs honoraires aux omnipraticiens exerçant en groupe dans des zones déficitaires, les trois organisations constatent que dans 17 des 28 caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) où le dispositif est appliqué, la densité médicale continue à diminuer.

Plus de patients, plus d’argent

Aussi, le CISS, la FNATH et l’UNAF prônent-ils le développement de la rémunération au forfait « tandis que celle à l’acte devrait devenir l’exception. On incitera ainsi les médecins à choisir de s’installer en fonction des populations puisque c’est la patientèle qui va garantir le socle de la rémunération et non plus le nombre d’actes » exposent les trois collectifs. Ils soulignent que cette méthode de paiement est aujourd’hui la règle dans plusieurs pays de l’OCDE et soulignent que cette mesure doit s’accompagner de la fin de l’augmentation du numerus clausus « si l’on veut garantir de bonnes rémunérations aux médecins ».

Liberté d’installation, télémédecine et coopération entre professionnels de santé

Autre mesure choc : la définition de quotas par les Agences régionales de santé, qui devraient être chargées d’établir « la cartographie (…) des bassins de santé de proximité précisant le nombre de médecins par spécialité à prévoir pour répondre aux besoins de soins de premier recours ». Cette cartographie doit s’accompagner d’une restriction de la liberté d’installation, à l’instar, rappellent les trois groupes, de ce qui existe dans plusieurs pays de l’Allemagne, à l’Autriche en passant par l’Angleterre, la Suisse ou encore le Québec. Enfin, de façon plus consensuelle, les organisations suggèrent le développement de la télémédecine et proposent de favoriser les coopérations entre professionnels de santé. Certains actes pourraient être confiés à des professionnels de santé non médecins là encore sur le modèle de ce qui existe à l’étranger, en Norvège ou en Grande-Bretagne.

 

Démographie médicale, répartition des médecins sur le territoire

Aurélie Haroche

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Vos réactions (3)

  • Oui à la rationalisation de l'offre de soin en milieu libéral

    Le 18 novembre 2010

    Ces associations ont raison. Libéraux ou pas, les médecins ont vu leurs études payées en grande partie par la collectivité, qui assure en outre indirectement une bonne part de leur rémunération. Il n'est que normal qu'elle ait un droit de regard sur l'organisation des soins et la répartition de l'offre. Les pharmaciens ne bénéficient pas de la liberté d'installation et ne s'en portent pas plus mal.

    Marie-Anne Bach

  • Largement remboursé !

    Le 19 novembre 2010

    Supprimer la liberté d'installation rendra la médecine libérale et surtout la médecine générale encore plus pauvre.
    Les jeunes ne feront plus médecine.
    Qui voudra étudier au minimum 9 ans de sa vie pour se retrouver dans un coin où il n'a pas choisi de vivre pour gagner 22 euros la consultation.
    Quant au commentaire précédent, oui les études médicales sont prises en charge par la société mais vu le salaire des internes, la rémunération des gardes (5 euros de l'heure ), je pense que les médecins ont largement remboursé leurs études et ont même de la marge !

    Dr F.Azam (chir ortho)

  • Que faire?

    Le 21 novembre 2010

    Non à la rationalisation et à une politique d'installation cohérente et harmonisée. Non à la prise en charge de la problématique des gardes sectorisées. Non aux propositions de contrats de meilleure gestion faits par la CNAM. Non à la carte vitale. Non à la prise en charge des patients relevant de la CMU. Non! Non! Non....Il ne s'agit pas de démentir, on sait que ce sont là les positions de très nombreux - de trop nombreux! - praticiens.
    Il s'agit dorénavant de proposer, en sachant faire des concessions. A trop refuser d'évoluer en prenant prioritairement en compte l'intérêt général, on participe à la montée des dysfonctionnements, des inégalités et du développement d'un quart-monde en France même, on précipite la dégradation du lien social. La solidarité est un devoir et une urgence.

    Antoine Rosemary

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