
Paris, le vendredi 10 décembre 2010 – La France semble pratiquer en Europe la politique la plus active de dépistage prénatal de la trisomie. Le Comité pour sauver la médecine prénatale, qui regroupe des obstétriciens, des infirmières et des sages-femmes, coordonné par le Dr Patrick Leblanc (CHG de Béziers) affirme ainsi que dans notre pays : « 92 % des cas de trisomie 21 sont détectés, contre 70 % en moyenne européenne et 96 % des cas identifiés donnent lieu à une interruption médicale de grossesse ». Souvent rappelé, ce dernier chiffre a été considéré par certains comme la marque d’une dérive inquiétante, si non vers l’eugénisme, tout du moins vers une marginalisation inquiétante du handicap. Ainsi, dans une interview accordée au quotidien Le Monde en février 2007, le professeur Didier Sicard, alors président du Comité consultatif national d'éthique avait observé à propos des trisomies 21 et 18 : « Tout s’est passé comme si à un moment donné la science avait cédé à la société le droit d’établir que la venue au monde de certains enfants était devenue collectivement non souhaitée, non souhaitable. Et les parents qui désireraient la naissance de ces enfants doivent, outre la souffrance associée à ce handicap, s’exposer au regard de la communauté et à une forme de cruauté sociale née du fait qu’ils n’ont pas accepté la proposition faite par la science et entérinée par la loi ». Ainsi, pour lui « la généralisation du dépistage est, certes, fondée sur la notion de proposition, mais dans la pratique, il est de fait, devenu quasi obligatoire ».
Une pathologie devenue mortelle sans l’être
A leur tour, les professionnels de santé réunis au sein du Comité pour sauver la médecine prénatale, groupe qui s’est constitué dans la perspective de la révision des lois de bioéthique et qui semble principalement en alerte sur cette question du dépistage de la trisomie 21 dénoncent ce sentiment « d’obligation » du dépistage qui semble s’imposer tant aux familles qu’aux praticiens. « La législation nous contraint de leur proposer plusieurs étapes successives de dépistage des risques, puis au besoin de diagnostic exact des anomalies recherchées. Beaucoup de femmes les croient même obligatoires », écrivent-ils dans un texte où ils affirment ressentir « un malaise croissant dans l’exercice de leurs métiers ». A l’origine de ce malaise, ils évoquent entre autres le fait que « le dépistage massif ait abouti à rendre mortelle une pathologie qui ne l’est pas ». Face à ces pressions de plus en plus nombreuses, à ce qu’ils ressentent comme des dérives, ils estiment qu’une information différente sur la trisomie 21 devrait être fournie aux femmes qui s’appuierait entre autres sur « l’apport des familles et des réseaux associatifs directement concernés par ce handicap ». Enfin, ils appellent à ouvrir un véritable débat sur le sujet, c'est-à-dire, selon eux, sur « l’eugénisme ».
Aurélie Haroche