
Paris, le mercredi 15 décembre 2010 – Certains se souviennent peut-être de la colère qu’avait suscitée l’année dernière la campagne lancée par la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) qui tendait à mettre en avant les tarifs moins onéreux des cliniques comparativement à ceux des établissements publics. La Fédération de l’hospitalisation de France (FHF) n’avait pas hésité à qualifier cette opération médiatique de « mensongère » en rappelant notamment que les missions et obligations d’accueil du secteur public différaient considérablement de celles des structures privées.
La guerre public/privé relancée
Au regard des tensions créées par cette initiative de la FHP, il est difficile de ne pas lire dans la conférence tenue hier par la FHF au sujet des actes médicaux abusifs une sorte de réponse aux arguments défendus hier par la FHP. En présentant les très nettes différences entre les taux de césariennes observés dans les cliniques par rapport aux hôpitaux comme le symptôme de ces actes médicaux superflus que l’on pourrait voir diminuer, la FHF paraît ne pas avoir hésité à relancer la vieille querelle public/privé. « Vingt-quatre des trente maternités ayant le plus fort taux de césariennes sont des cliniques commerciales » a ainsi persiflé le professeur René Mornex qui avait été chargé cet été par la FHF de mener une réflexion sur les actes médicaux et chirurgicaux superflus. Déjà à l’heure du lancement de ce groupe de travail, le privé était dans la ligne de mire de la Fédération. « Le médecin libéral qui est rémunéré à l’acte et l’actionnaire de la clinique ont un intérêt financier à faire du volume » avait ainsi souligné Gérard Vincent, délégué général de la FHF.
Madame, une mammographie ça ne peut pas vous faire de mal
Mais, la croisade menée de longue date par cette organisation qui représente la majorité des établissements publics ne se résume pas seulement à un éternel conflit avec le privé. Les dérives sont partout et les exemples donnés hier par le professeur René Mornex en témoignent. Ainsi a-t-il notamment évoqué le cas des radiographies du crâne : « Il a été admis de manière absolument formelle » que cet examen « seul ne servait à rien dans les traumatismes crâniens qui n’ont pas de manifestation clinique de complication. Pourtant on continue d’avoir plus de 900 000 radiographies du crâne par an » a-t-il ainsi lancé. Autre exemple : les dépistages de cancer du sein réalisés au-delà de 74 ans, à un âge où affirme le professeur : « les lésions que l’on trouve sont de petite taille et pourraient mettre trente ans avant de devenir véritablement sérieuses. Mais on leur dit, madame, ça ne peut pas vous faire du mal, jusqu’au jour où l’on trouve la micro lésion c’est parti pour la ponction, la chirurgie et pour être prudent un petit coup de radiothérapie et la chimio en plus ».
Baisse des dépenses de 10 %
Face à cette situation, le président de la FHF, Jean Léonetti sait combien il est délicat d’agir : il est en effet difficile de distinguer les actes « superflus » réalisés par la force de l’habitude ou pour des intérêts financiers de ceux entrepris de bonne foi. De même les différences observées entre certaines structures et entre les régions peuvent ne pas seulement s’expliquer par des dérives. Pour autant, Jean Léonetti remarque : « Ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il ne faut pas le faire. Nous pourrions faire mieux au lieu de faire plus. L’objectif est qualitatif mais aussi financier. Nous pourrions avoir une baisse des dépenses de santé d’au moins 10 % » a-t-il martelé hier, ses propos étant repris aujourd’hui dans le Figaro.
Des internes poussés à rechercher l’exceptionnel
Différentes propositions ont donc été présentées par la FHF dont certaines concernent les études médicales. Sans doute la multiplication de certains actes superflus est-elle la conséquence d’un enseignement qui se concentre sur « l’exceptionnel ». « On fait chercher aux internes la pathologie la plus rare plutôt que la plus courante » remarque Jean Léonetti. Ces recommandations de la FHF n’excluent pas en outre d’aller jusqu’à la sanction financière : ainsi dans certains cas pourraient n’être remboursés que les actes répondant aux règles de bonne pratique. Ainsi, en ce qui concerne les radiographies « inutiles » après un traumatisme crânien, près de 30 millions d’euros par an (hors honoraires) pourraient être économisés ! Enfin, il semble qu’en la matière l’éducation des patients afin de les dissuader d’exiger des examens rassurants soit essentielle.
Illustration : une radio du crâne utile...
Aurélie Haroche