Tuer un médecin pratiquant l’avortement : un meurtre qui pourrait être « justifié » dans le Dakota du Sud

Pierre, le jeudi 17 février 2011 – « Je suis très honoré d’être tué pour ce que j’ai fait ». Cette déclaration héroïque avait été prononcée peu avant son exécution par le révérend Paul Hill, en septembre 2003. Ce père de trois enfants avait été condamnée à la peine de mort en Floride pour avoir tué le 29 juillet 1994 le docteur Britton, âgé de 69 ans, et qui continuait à réaliser des interruptions volontaires de grossesse (IVG) en dépit des nombreuses menaces dont il était l’objet. Son courage ne fut pas récompensé : il fut froidement assassiné par Paul Hill, qui bientôt devint pour les opposants les plus farouches à l’avortement un « héros de la cause ». Il fut le premier militant anti avortement exécuté aux Etats-Unis, tandis que depuis 1993, huit médecins réalisant des IVG ont été tués aux Etats-Unis et dix-sept autres ont fait l’objet de tentatives de meurtre.

Homicide justifié

L’exécution de Paul Hill ne tarda pas de faire de lui un martyr : ses partisans n’ont depuis lors cessé de clamer que son geste était « justifié ». L’argument n’est pas seulement rhétorique, il pourrait également avoir une portée juridique. Il existe en effet aux Etats-Unis, certaines catégories de meurtres que la justice peut considérer comme « excusables », à l’instar de ce que l’on nomme en France « la légitime défense ». Parmi les raisons permettant d’invoquer le caractère « justifié » d’un meurtre, les militants « pro vie » les plus acharnés ne désespèrent pas de pouvoir inscrire la protection des fœtus. Leur souhait semble avoir été entendu dans le Dakota du Sud. Une proposition de loi baptisée House Bill 1171, défendue par le très conservateur élu républicain Phil Jensen vient d’être adoptée en commission par neuf voix contre trois : elle étend la notion « d’homicide justifié » à toute action destinée à protéger son enfant à naître ou celui d’une sœur, d’une mère ou d’une fille. Le texte doit être prochainement examiné en séance plénière dans un état qui connaît déjà une législation particulièrement stricte contre l’avortement et où de nombreux élus démocrates eux-mêmes partagent certaines des positions des militants « pro vie ».

Un seul centre pratiquant encore l’avortement

La National Abortion Federation n’a pas tardé à monter au créneau face à un texte qui représente selon elle « une invitation à tuer ceux qui aident à l’avortement ». Il est en tout état de cause certain que par cette voix détournée, le Dakota du Sud cherche à proscrire totalement l’IVG de ses frontières après avoir échoué à faire adopter l’interdiction de l’avortement par la voie du référendum. La population s’est en effet opposée en 2006 et 2008 à de tels projets. Cependant, dores et déjà, le recours à l’avortement est extrêmement difficile dans le Dakota du Sud. Aucun hôpital public de l’Etat ne pratique plus l’IVG depuis 1994 et l’on ne compte désormais plus qu’une seule clinique répondant aux  demandes des Dakotaises. Ce centre mis en place par le Planning familial ne fonctionne que grâce à des médecins venant d’états voisins. Le petit millier de femmes que reçoit cette structure chaque année (sur une population de 800 000 habitants) doivent en outre suivre une procédure très stricte avant de pouvoir recourir à l’IVG. Cette dernière pourrait être encore renforcée si était adoptée une autre proposition de loi qui vise à obliger le passage dans des centres appelés Crisis Pregnancy Center avant tout avortement. Ces structures non réglementées sont le plus souvent dirigées par des militants anti-avortement.

Aurélie Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article