
C’est peu de dire que la lombalgie est une pathologie fréquente, sa prévalence au cours d’une vie atteindrait en effet 59 à 84 %. Fort heureusement, les patients qui développeront une lombalgie chronique invalidante sont relativement peu nombreux. Le coût n’en est pas moins important, tant au niveau individuel, sociétal que financier.
Parmi les options thérapeutiques, des traitements chirurgicaux peuvent être proposés pour les lombalgies chroniques invalidantes, secondaires à une discopathie dégénérative. Parmi eux, la fusion vertébrale ou spondylodèse et, depuis environ 25 ans, la prothèse discale. De précédents travaux ont montré que les deux techniques obtenaient des résultats équivalents mais encore faut-il comparer la chirurgie aux approches non chirurgicales. Ce à quoi s’est employée une équipe norvégienne qui a évalué les résultats de la pose de prothèse discale et ceux d’une réhabilitation fonctionnelle pluridisciplinaire.
Au total 173 patients souffrant de lombalgies avec remaniements discaux dégénératifs, depuis plus d’un an, ont été répartis en deux groupes. Les uns (n = 86) ont bénéficié d’une prothèse discale, les autres (n = 87) d’une réhabilitation fonctionnelle, prise en charge pluridisciplinaire leur offrant, entre autres, de la kinésithérapie et une approche cognitive dans le but de les aider à comprendre et à « gérer » leur lombalgie, pendant 3 à 5 semaines, à raison d’une vingtaine d’heures par semaine.
L’objectif principal était l’évolution de la douleur et de l’invalidité mesurées par le score d’Oswestry. D’autres éléments étaient ensuite examinés et chiffrés grâce aux échelles d’évaluation, parmi lesquels la perception de la qualité de vie, les troubles psychologiques engendrés par le handicap, l’impact sur le travail, l’usage de médicaments et la satisfaction globale.
Deux ans après les interventions, le score d’Oswestry s’était amélioré de 20,8 points (IC 95 % : 16,4 à 25,2) pour les patients ayant eu une prothèse discale, et de 12,4 points (8,5 à 16,3) pour les patients ayant suivi le programme de réhabilitation fonctionnelle, soit une différence de – 8,4 points. L’analyse des objectifs secondaires montre aussi des différences qui sont plutôt en faveur de la chirurgie, tant au niveau de la douleur que de la satisfaction des patients ou du savoir gérer la douleur. Il n’est pas constaté de différences sur la reprise du travail, sur les troubles psychologiques en lien avec l’invalidité, ni sur l’usage de médicaments.
Deux remarques s’imposent toutefois. Les auteurs avaient conçu l’étude de manière à pouvoir détecter une différence d’au moins 10 points dans l’index d’Oswestry et il n’est pas certain que la différence finalement constatée, de 8,4 points, ait un réel impact en clinique. D’autre part, au cours de l’étude, une complication opératoire sérieuse a nécessité chez un patient l’amputation de la jambe, soulignant, s’il en était besoin, l’importance de prendre en compte les risques opératoires dans le processus décisionnel.
Considérant que le programme de réhabilitation fonctionnelle améliore un nombre très conséquent de patients, sans effet indésirable notable, les auteurs estiment « raisonnable » de proposer d’abord cette solution non chirurgicale.
Dr Roseline Péluchon