
De tout l’hôpital, les services de soins intensifs sont les endroits où les malades ont le risque le plus élevé d’acquérir une bactérie multirésistante. L’hygiène du malade, celle du personnel et de façon plus générale, celle de l’environnement sont des préoccupations constantes.
Cette étude repose sur l’hypothèse qu’une réduction de la contamination des surfaces par un nettoyage intensif pourrait diminuer le risque de colonisation des malades.
Une enquête prospective randomisée croisée a ainsi été menée durant 1 an, dans le cadre des unités de soins intensifs (USI) de deux hôpitaux universitaires londoniens.
Afin d’éviter tout biais saisonnier, l’année a été divisée en six blocs de 8 semaines. Chaque phase a été séparée d’une semaine de « wash-out » pour éliminer un effet résiduel du ménage intensif. Le nettoyage en profondeur a consisté en plus de l’entretien standard à passer 2 fois par jour sur l’environnement immédiat du malade (tour de lit, moniteur . . .) un tissu en « ultramicrofibres », imbibé d’une solution au cuivre (inhibant la croissance bactérienne). Les parties communes (téléphone et claviers d’ordinateurs notamment) étaient également nettoyées.
Tous les patients successivement admis en USI ont été inclus, dont 1 252 patients ont séjourné pendant la période de nettoyage amélioré et 1 331 pendant la phase de nettoyage standard.
Des échantillons de gélose contact ont été prélevées dans cinq sites choisis au hasard autour du lit, sur les mains du personnel, et au niveau des zones communes trois fois par jour (avant le ménage, en milieu de journée puis après le dernier nettoyage) pendant 12 jours/ lit par semaine.
Au total, 20 736 échantillons ont été recueillis. La détection dans l'environnement de Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline a été réduite au cours des phases de nettoyage améliorée de 82 échantillons positifs sur 561 (14,6 %) à 51 sur 559 (9,1 %) (odds ratio ajusté [OR], 0,59 ; IC 95 % de 0,40 à 0,86; p= 0,006). Les autres agents pathogènes ciblés (Acinetobacter baumannii, bactéries à Gram négatif à lactamase à spectre élargi, entérocoques résistants à la vancomycine, et Clostridium difficile) ont été si rarement isolés, qu’une baisse n’a pas pu être identifiée.
Les analyses en sous groupe ont montré une baisse de la contamination à staphylocoques dorés résistants à la méthicilline sur les mains des médecins pendant le nettoyage en profondeur (3 sur 425 soit 0,7 % par rapport à 11 sur 423, soit 2,6 %; OR de 0,26, IC 95 % de 0,07 à 0,95; p=0,025). Pour les mains des infirmières, il existe une tendance à la réduction du portage (16 échantillons positifs sur 1 647 soit 1,0% par comparaison à 28 sur 1 694; 1,7 %; OR de 0,56, IC 95 %, de 0,29 à 1,08, p= 0,077).
Du côté des patients, aucun effet significatif du nettoyage renforcé n’a pu être observé quant à la colonisation par Staphylococcus aureus méthicilline résistant : l’OR est de 0,98 avec un IC 95 % de 0,58 à 1,65 (p=0,93).
Le nettoyage plus intensif des surfaces proches des malades réduit le portage de staphylocoque sur les mains du personnel soignant, mais est sans effet observable sur la colonisation des patients. Sur la base de ces résultats, les auteurs concluent à l’absence d’intérêt d’un ménage plus élaboré en USI.
Dr Béatrice Jourdain